Le regard masculin et plus largement, la société patriarcale, ont pour objectif de reléguer les femmes au rang d’objet.
Cela passe notamment par la manière dont les femmes sont considérées par les lois, sont montrées sur nos écrans, sont invisibilisées dans l’art et la culture…
Mais cela s’exprime aussi par la mode, à travers l’Histoire. Une mode qui sert tantôt à satisfaire le male gaze en décortiquant les corps, et les sexualisant ; tantôt à les cacher, pour satisfaire le puritanisme des religions patriarcales.
A travers cette publication, je vous propose un florilège d’exemples qui ont permis (et pour certains, permettent encore) aux hommes et au patriarcat, de contrôler les femmes à travers la mode.
Il s’agit d’une liste non exhaustive. Sinon nous y serions encore le mois prochain. 😅
Le plus évident : le corset.
Le corset est le premier vêtement auquel j’ai pensé quand l’idée de cet article a émergé. Pour moi, c’est l’apparat par excellence d’un corps féminin contrôlé et décortiqué. Il était impossible de courir avec – malgré ce que l’on nous montre dans certains films – ou d’être libre de ses mouvements tant sa contrainte était grande. Au fil de l’Histoire, il permettait aussi d’affiner une taille en faisant ressortir les hanches, symbole de fertilité. Il offrait aussi à la vue de toustes et en particulier, des hommes, un buste plus ou moins prononcé.
Donc c’est à la fois, un vêtement d’hypersexualisation de la femme et de soumission par le manque de mobilité.
Je pleure intérieurement quand je vois qu’il revient à la mode…
Cela dit selon les époques, les tailles et les poitrines étaient plus ou moins soulignées. Le corset existe depuis l’Antiquité et il n’est pas prouvé qu’un homme en soit à l’origine. Mais tous les écrits historiques soulignent la volonté de sexualiser les corps féminins et ainsi, de satisfaire le male gaze.
Les femmes ont, quand à elles, plutôt participer à l’assouplissement puis à la fin de l’ère du corset – avec notamment Hermione Cadolle, créatrice du premier soutien-gorge.
En parlant de soutien-gorge
Oui, bon. On reste dans les sous-vêtements… Mais ne participent-ils pas aussi à la mode ?
C’est le cas du Wonderbra, créé dans les années 60 qui connaîtra un succès commercial à partir des années 90.
Ce soutien-gorge rembourré vise à remonter et rapprocher la poitrine pour créer un décolleté visant à plaire au regard masculin. Encore une fois, c’est une forme de contrainte du corps et d’inconfort pour objectifier les femmes.
Merci le confinement de nous avoir libéré de ces carcans (et de ces affreuses baleines !). Lisez mon article à ce sujet !
Les talons aiguilles
Rien que d’y penser, mes orteils se crispent de douleur alors même que je n’ai jamais porté ces instruments de torture inventés par Charles Jourdan et Roger Vivier dans les années 50.
C’est à nouveau réduire les femmes à l’inconfort et à un corps visuellement attrayant pour le regard masculin. Le talon aiguille cambre le dos, remonte les fesses, contracte la jambe, réhausse le buste et limite les mouvements.
Heureusement, passé les années 80, il commence à disparaître peu à peu de nos dressings…
Le tailleur Dior de 1947
C’est un des trucs qui a marqué mes études dans la mode : ce tailleur post Seconde Guerre Mondiale qui remodèle la silhouette féminine “parfaite” en quelque chose de contraignant. Un jupe lourde avec des mètres et des mètres de tissus, une taille très fine qui rappelle celle du corset.
Rendez-vous compte du contexte : les femmes s’étaient libérées des vêtements encombrants, inconfortables et bam ! La guerre est finie, qui va en 💩?
Bah les femmes, pardi !
Heureusement qu’il existe des queens comme Yseult pour se réapproprier les codes d’une mode patriarcale.
Avant 2013, vous n’aviez pas le droit de porter un pantalon
A moins de tenir les rênes d’un cheval ou le guidon d’une bicyclette, les femmes n’avaient pas le droit de porter un pantalon. C’est en janvier 2013 que cette ordonnance française fut abrogée pour les raisons suivantes :
“cette ordonnance visait avant tout à limiter l’accès des femmes à certaines fonctions ou métiers en les empêchant de se parer à l’image des hommes. Cette ordonnance est incompatible avec les principes d’égalité entre les femmes et les hommes qui sont inscrits dans la Constitution et les engagements européens de la France (…)”.
source : https://www.senat.fr/questions/base/2012/qSEQ120700692.html
2020 et le scandale du crop top
Le crop top, les jupes ou shorts au-dessous des genoux (uniquement pour les adolescentes), faire un scandale quand on voit une épaule découverte par un débardeur… Voilà des exemples d’interdictions vestimentaires formulées par les établissements scolaires en 2020.
C’est la consécration du patriarcat qui contrôle le corps féminins jusque dans les tenues des filles de 11 ans.
Heureusement, des parents d’élèves, journalistes et féministes se sont insurgées contre les propos tenus à l’encontre des vêtements “non républicains”. Il semblerait que l’orage soit passé mais je vous invite quand même à lire cet article de Mediapart.
Trop de vêtements, un orage qui ne passe pas
Les débats sur les vêtements trop ou trop peu couvrants que portent les femmes sont symptomatiques de ce qu’il se passe depuis des millénaires dans les sociétés patriarcales : on veut contrôler le corps des femmes.
Le contrôler, jusqu’à les empêcher d’accéder à tel ou tel lieux parce qu’elles sont trop couvertes et que ça irait contre les principes de laïcité. Elle a bon dos cette laïcité !
Une femme trop couverte, c’est louche. Une femme découverte, c’est vulgaire. L’adage ressemble étroitement aux propos tenus sur la sexualité des femmes. Son body count est élevé ? C’est une tana. Elle ne couche pas avant le mariage ? Elle est trop prude.
“I detest the masculine point of view (…).
I think the best these men can do is not talk about themselves anymore.”
Virginia Wolf
Et puis l’affreux Kanye West…
…et la nudité de Biance Censori.
C’est devenu évident aux yeux du monde entier : Kanye West contrôle sa femme et la manière dont elle s’habille. On pourrait émettre des théories comme quoi, Biance Censori est ok avec ça mais franchement, elle n’a pas l’air de se fendre la poire.
Il lui assène d’enlever son manteau, de faire le show, de se positionner à cet endroit, de s’assumer avec cette robe complètement transparente qui montre absolument tout. L’ultra masculinité à son paroxysme. L’ultra contrôle d’une femme vu par toustes.
Ça me tord le ventre… Pas vous ?
Il y a tant d’autres exemples
Les tenues des sportives, les jeans taille basse, les jupes crayons… Tant de vêtements féminins qui servent d’outils de la domination masculine avec des justifications franchement bancales sur le contrôle de la sexualité des femmes et de leur place dans l’espace public.
Moi, ce que je souhaite sincèrement, c’est que chaque femme se sente libre de porter ce qu’elle souhaite. Que ce soit une mini jupe, un crop top, une robe longue ou un voile : laissons donc les femmes prendre la place qu’elles ont envie de prendre dans l’espace public ! Et sans vêtement, est-ce vraiment possible ?
Je vous remercie d’avoir pris le temps de lire cette publication.
Celle-ci est la 2ème d’une série dédiée au male gaze et au female gaze dans la mode.
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Pour aller plus loin :
La mode est politique, Mélody Thomas
Mon interview dans Le Vif, juillet 2024
Mon article sur l’expo Women Fashion Power
Sources :
https://journals.openedition.org/anneemaghreb/3151
https://blogs.mediapart.fr/edition/lhebdo-du-club/article/240920/hebdo-87-le-controle-du-corps-des-femmes-ou-l-ere-du-sexisme-republicain
https://www.letemps.ch/societe/lemancipation-femme-robe-toute-une-histoire
https://www.bbc.com/afrique/monde-57955170
https://www.deuxiemepage.fr/2016/08/26/tribune-valerie-cg-defendre-droits-vestimentaires-femmes-defendre-toutes-femmes/
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-cours-de-l-histoire/carcan-de-soie-prison-de-taffetas-quand-les-vetements-entravaient-les-corps-des-femmes-9163015
https://maison-du-corset.com/blogs/corset/histoire-du-corset
https://www.lepoint.fr/people/on-sait-ce-que-kanye-west-a-dit-a-bianca-censori-en-robe-nue-aux-grammys-08-02-2025-2581831_2116.php
xoxo
Elena sans H