Le MET Gala, probablement l’événement de mode le plus médiatisé au monde, se tient chaque année en mai au MET de New York et marque l’ouverture d’une nouvelle exposition. Il présente des créations de mode historiques et contemporaines.
Créé en 1948 par Eleanor Lambert – une figure majeure de la mode de l’époque – le gala avait pour objectif initial de lever des fonds pour le Costume Institute, toujours dédié aujourd’hui à la préservation de chefs-d’œuvre de la mode nord-américaine.
Une opération marketing, mais pas que…
Depuis qu’Anna Wintour en a pris la direction en 1995, le MET Gala est devenu à la fois un événement culturel, politique et une belle opération marketing pour les maisons de mode.
Mais au-delà du glamour, ce gala met en lumière la créativité des invité.e.s et permet d’exprimer des engagements politiques et sociaux.
Un lieu pour rendre hommage
Certes, on peut critiquer le côté luxueux et très exclusif de la soirée. Pourtant, elle devient aussi un espace de revendication féministe, antiraciste ou écologiste. Dans une Amérique où l’extrême droite prend une place inquiétante, cet événement devient un outil puissant de résonance, notamment pour les personnes racisées.
L’édition 2025 portait le thème : « Superfine : Tailoring Black Style ».
Pour moi, c’est un hommage à la mode afrodescendante, à l’héritage des sapeurs, à l’esthétique noire. J’aurais adoré voir l’expo qui ouvre le 10 mai ! J’avais d’ailleurs eu la chance d’assister à la soirée d’ouverture de “Punk : Chaos to Couture” en 2013.

Superfine : Tailoring Black Style, un thème puissant
« Superfine », c’est d’abord un terme textile comme une laine haut de gamme, portée par Lupita Nyong’o (mon look préféré, je vous explique pourquoi plus bas).
Mais « superfine », c’est aussi un mot d’argot afro-américain – souvent présent dans la funk ou le RnB -pour dire qu’on est « trop canon ». Et moi, j’adore cette expression !
Quant à « Tailoring Black Style » : on parle de sur-mesure, de savoir-faire, de dandysme noir, d’hybridation entre traditions stylistiques africaines et européennes.
En résumé, ce thème est une reconnaissance des identités noires et de la manière dont le style est une moyen de résister et de se distinguer dans une société raciste, sexiste et capitaliste. C’est de la pure politique par le vêtement.
Ok et maintenant…
Faisons le point sur quelques looks marquants👇
Les looks qui marchent : quand le vêtement est un manifeste
Lupita Nyong’o : Je suis subjuguée à chaque apparition de Lupita Nyong’o. Son élégance est sans pareille et sa tenue transpire la compréhension de cette thématique et l’hommage à ses racines.
Avec ce tailleur Chanel, d’un bleu mémorable, elle réaffirme l’acte de s’habiller comme acte de dignité noire en s’inspirant de Little Richard – à l’origine du rock’n’roll (trop) longtemps approprié par les artistes blancs.
“For me, this year’s theme captured how the Black men of America have insisted on their dignity through dressing with more value than this country has afforded them. Dressing as a radical, defiant, and self-preserving act is something that I learned from my African roots as well as from observing African-America through popular culture.”
Doechii a choisi un ensemble Louis Vuitton de la ligne de prêt-à-porter homme, accentué par un maquillage audacieux incluant un logo LV en relief sur la joue. Cette marque sur sa pommette a suscité des discussions :
- certains y voyant une référence aux marques de propriété infligées aux esclaves,
- tandis que d’autres l’interprètent comme une réappropriation du luxe par les artistes noir.e.s.

Inspirée par le livre Slaves to Fashion de Monica L. Miller, Doechii interroge la relation entre les Noirs et les marques de luxe, sans compter le fait que le directeur artistique de cette ligne est Pharrell Williams, lui aussi présent lors de la cérémonie.
Source : https://www.allure.com/story/doechii-met-gala-lv-branded-makeup-controversy?
Rihanna a annoncé sa 3ème grossesse en arborant un ensemble Marc Jacobs composé d’un manteau rayé porté en jupe, d’un top gris à col blanc et jabot à pois, surmonté d’une veste boléro noire. Accessoirisé d’un chapeau à larges bords et de derbies bicolores, ce look allie tailoring classique et touches personnelles, reflétant son engagement à maintenir son style unique même pendant la maternité.
Je ne sais pas si l’intention y était mais son look m’a rappelé celui des Suffragettes dont je vous parlais dans un précédent article. C’est une véritable icône et j’aime chacune de ses apparitions qui font résonner son aura de femme mère, femme puissante et femme engagée.
Source : https://www.vogue.fr/article/rihanna-asap-rocky-troisieme-grossesse-annonce-met-gala-2025
Bad Bunny : a honoré ses racines portoricaines avec un costume Prada en mohair marron, inspiré des tenues des légendes de la salsa des années 70. Les détails incluent une cravate en raphia rappelant la pava traditionnelle, une ceinture évoquant les cordes utilisées par les jíbaros, et des gants ornés de cristaux. Ce look fusionne tailoring classique et éléments culturels, illustrant la richesse de l’identité afro-caribéenne.
J’aime le fait que partout où il va, il amène un bout de ses racines avec lui, pour leur rendre éternellement hommage.
Source : https://www.vogue.fr/article/bad-bunny-met-gala-2025-look-prada
Hunter Schafer a opté pour un ensemble noir et blanc composé d’une veste double boutonnage blanche, superposée à une chemise assortie et un col roulé, le tout surmonté d’un blazer noir porté sur les épaules. Complété par un béret blanc et des gants en cuir, ce look incarne une interprétation raffinée du tailoring, soulignant la fluidité des genres et l’élégance intemporelle.
J’aurais probablement choisi cette tenue en plus coloré.
Colman Domingo : entre dandyisme moderne et mémoire noire.
Shout out to Pamela Anderson
Je dois m’arrêter sur le look de Pamela Anderson. Si pour moi, il était complètement hors thème, je l’ai trouvée si belle, si resplendissante avec son carré court.
Elle offre une féminité désarmante et apaisée. C’est un geste politique à sa manière : celle de vieillir sans peur ni artifice, dans une industrie et une société obsédées par la jeunesse et considérant les femmes au-delà de 30 ans comme “obsolètes”. Ça change, mais la montée du conservatisme ne nous aide pas.
Quand l’esthétique efface le sens
Je remarque que la majorité des célébrités étant passées à côté du thème sont… blanches. Angèle, Sydney Sweeney, Gigi Hadid… Cela fait partie du privilège de ne pas avoir à se poser les questions justes par rapport à sa place dans la société.
Chaque Met Gala vient avec son thème, mais « Superfine: Tailoring Black Style » n’était pas un simple exercice de style : il s’agissait d’honorer la contribution des créateurs, tailleurs et esthétiques afro-descendants dans l’Histoire de la mode. Un thème profondément politique, qui appelait à un positionnement clair : qui célèbre-t-on et comment ?
Certain·es ont brillé… par leur désengagement.
Les petites cata : ces looks qui ne marchent pas.
Le thème mérite respect, nuance et compréhension. Ici, malgré le potentiel, quelque chose ne va pas…
Joey King : une sape qui avale

Joey King rend clairement hommage aux Sapeurs du Congo : costume flashy, coloré et look extravagant. Le problème ? Elle disparaît sous ses vêtements qui prennent toute la place. Alors que la sape est l’art du charisme individuel et de la revendication sociale. Sans incarnation sincère, ça devient un costume. Or, le style n’est pas là pour déguiser mais pour sublimer. Dommage !
Dua Lipa : Magnifique mais hors-sujet
Dua Lipa a choisi un look de diva baroque qui ignore totalement la thématique du tailoring et du Black Style. Ainsi, elle incarne une féminité glam mais déconnectée de la narration collective attendue. C’est un loupé pour mon idole de la pop !
Lisa : Une culotte et un symbole piétiné
La chanteuse de Blackpink a choisi de porter un costume sans bas, simplement avec une culotte à l’effigie de Rosa Parks.

Sauf que Rosa Parks n’est pas une marque. C’est une icône de la résistance noire. Réduire son nom à un accessoire sexy, sans explication ni hommage véritable, relève d’un geste irrespectueux, voire de récupération marchande.
Mettre Rosa Parks sur une culotte, c’est tout ce que le thème ne voulait pas.
En somme, quand on reprend les codes de la Black Culture sans en porter la mémoire, l’histoire ou les combats, c’est de la déco en fait ! Et ça n’est pas ok.
Nous avons vu des looks qui respectent le thème et d’autres pas.
Mais QUID d’une thématique pour mettre en valeur le Black Style sans visibilité pour les créateurices noir.e.s ?
Ce que le MET Gala nous dit sur la mode et la société
Dans un monde qui va mal, qui ferme les yeux sur des génocides, qui laisse des idées ultra conservatrices et intolérables guidées les politiques, est-ce que le MET Gala a du sens ?
Cette explosion de luxure n’est-elle pas l’apogée de l’indécence ?
Je n’ai pas de véritable réponse à ces deux premières questions.
Mais je crois que ce genre d’événement nous permet de rêver, d’échapper pendant quelques instants à une réalité dystopique pour admirer la somptuosité des créations de mode. Lorsqu’il s’agit d’un thème comme “Superfine : Tailoring Black Style”, n’est-ce pas aussi l’occasion pour les célébrités d’exprimer leurs engagements ?
Rappelons-nous de Cate Blanchett et sa robe de soutien à la Palestine ou bien d’Alexandria Ocasio Cortez et sa robe “Tax The Rich”.
Nous pouvons émettre un tas de critiques sur cet événement mais il est encore la preuve que le vêtement est politique. Qu’il te permet de prendre la place que tu as envie de prendre, d’exprimer ce que tu as envie d’exprimer et d’honorer qui tu as envie d’honorer.
Xoxo
Elena sans H