J’ai entendu ce mot çà et là, surtout lors de conversations avec des personnes proches de la culture anglo-saxonne. Depuis petite , j’ai pris l’habitude de comprendre à peu près quelque chose en prenant en compte le sens global de ce qu’on me dit. Et puis, un jour d’août 2022, je me suis arrêtée et j’ai relevé la tête : mais attends, gaslighting, ça veut dire quoi au juste ? C’est dans cette optique que je vous propose un nouveau décryptage de ce terme du vocabulaire féministe : le gaslighting, c’est quoi ?
Disclaimer : la majorité des sources que je partage sont en anglais. Il n’existe pas ou peu de sources sur le gaslighting en français. Je m’apprête à parler d’un sujet lié à un ou plusieurs troubles psychologiques, sans être thérapeute. Si vous êtes victime de gaslighting, ne restez pas seul.e.
Définition du gaslighting
Le gaslighting est une technique de manipulation visant à faire douter la victime de sa mémoire, de sa réalité et même, de sa santé mentale. C’est une forme de violence émotionnelle et psychologique dans laquelle le bourreau pousse sa victime dans ses retranchements, jusqu’à lui faire perdre toute notion de réalité. Au Québec, on parle même de “décervelage”.
C’est quand on nous dit “t’es complètement hystérique ma pauvre”. Je sais que cette phrase tord le ventre de bon nombre d’entre nous, puisqu’elle nous est cruellement familière.
C’est lorsqu’on se dit “il a sans doute raison, j’ai dû inventer ça, je dois être fatiguée”.
“t’es complètement hystérique ma pauvre”
Enfin, en 2016, une étude de l’INSEE a démontré que les atteintes psychologiques et agressions verbales sont plus fréquentes et plus graves envers les femmes, dans le cadre d’un couple hétérosexuel : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2019028
D’où vient le mot “gaslighting” ?
En anglais, “gaslight” veut dire “lumière de gaz”. Étonnant lorsque l’on sait ce que ce mot signifie aujourd’hui, dans le vocabulaire féministe. Encore plus étonnant : son origine.
Gaslighting – ou gaslight – est directement inspiré de la pièce de théâtre “Angel Street”, jouée pour la première fois en 1938 et dirigée par Patrick Hamilton. Elle fut ensuite adaptée au cinéma par Georges Cukor (j’ai vu beaucoup de sources disant qu’il s’agit d’un film d’Alfred Hitchcock, mais c’est faux).
Ce film inspiré de la pièce s’appelle… Gaslight. Il est sorti en salles en 1944 et c’est Ingrid Bergman qui incarne la victime gaslightée. En très résumé, il raconte comment le mari de Paula parvient à la manipuler jusqu’à lui faire croire qu’elle est devenue folle. Vous pouvez voir un extrait juste ici :
Pourquoi le gaslighting est un problème ?
Une emprise pouvant mener à des violences physiques
Le gaslighting n’est pas une simple manipulation. Son objectif est de contrôler la victime en la poussant à croire qu’elle dépend entièrement de son abuseur. Il s’agit d’une emprise psychologique.
Les gaslighters ont souvent des personnalités narcissiques, antisociales ou borderlines. Ce sont des pathologies – parfois considérées comme incurables par les thérapeutes (c’est le cas des pervers narcissiques, par exemple).
Le gaslighting est utilisé consciemment, en vue d’être pleinement dominant dans une relation. Si l’abuseur a le sentiment de perdre le contrôle et le dessus sur sa victime, cela peut mener à des violences physiques.
Peut causer des troubles d’anxiété et de dépression chez la victime
Nombreuses sont les conséquences chez la personne gaslightée, d’autant plus si cette personne est sujette aux troubles d’anxiété et de dépression. Elle sera d’ailleurs davantage vulnérable face aux gaslighters, ce qui ne fera qu’empirer son état psychologique.
Certaines victimes pourraient même jusqu’à avoir des pensées suicidaires, tant elles ont remis en cause leur santé mentale et la réalité de ce qu’elles vivent.
Perturbe intensément les relations aux autres
Toute emprise laisse des traces indélébiles sur ses victimes.
Lorsqu’une personne victime de gaslighting quitte sa relation abusive, elle pourra souffrir de stress post-traumatique, de difficultés à faire confiance aux autres et surtout à elle-même. L’impact sur les relations aux autres peut être immense, surtout si la reconstruction après une relation sous emprise n’est pas accompagnée par un.e thérapeute qualifié.e.
Comment se défaire du gaslighting ?
en tant que gaslighter
Si tu es “gaslighter”, cela veut dire que tu es une personne qui “gaslighte” une ou plusieurs personnes. Tu remets en cause régulièrement les émotions, sentiments et vécus d’autrui pour faire en sorte que ta victime soit complètement dépendante de toi et/ou obtenir quelque chose d’elle.
Selon moi, avoir la capacité de se dire que “oh wow, je gaslighte”, c’est un énorme pas. Le problème – comme précisé plus haut – c’est que le gaslighter n’aura souvent pas les capacités de remise en question nécessaires à sa déconstruction. Un.e gaslighter est souvent incapable de reconnaître ses torts ou de s’excuser.
en tant que gaslighté.e
Tu ressens un dénigrement systématique de tes émotions et de ton vécu de la part de ton/ta partenaire ? Tu penses que tu deviens folle ? Tu sens que ton/ta partenaire veut te contrôler ? Alors, tu es probablement dans une relation d’emprise avec un.e gaslighter.*
*j’émets un point de vigilance : il s’agit d’une liste non exhaustive. Tu sauras probablement reconnaître ce que tu vis en écoutant ce podcast.
Quitter la relation abusive
C’est l’étape la plus difficile à faire mais celle qui s’avère indispensable pour sortir de ce schéma d’emprise : il faut quitter cette relation abusive.
En parler à ses proches
Parmi les techniques de manipulation du gaslighter, il y a l’éloignement des proches. Veille à ce que cela n’arrive pas, si tu es encore dans cette relation : il faut garder des contacts. Parler de ce que tu vis à ta famille, tes ami.e.s ou des collègues de confiance peut t’aider à en sortir.
Différencier les paroles des actes
Super facile pour ton abuseur de dire ce que tu as envie et besoin d’entendre pour qu’iel garde le contrôle sur toi. Concentre-toi sur les actes : dans les faits, que fait-iel vraiment ?
Toutefois, protège-toi : un gaslighter sera incapable de reconnaître qu’il est en tort, qu’il te manipule, etc. S’il sent qu’il perd le contrôle sur toi, il pourra en venir aux violences physiques. Dans ce cas, éloigne-toi physiquement de la relation.
Ecoute ton intuition
Selon moi, tout part de cela : écouter son intuition. Je sais que c’est facile à dire et beaucoup moins facile à appliquer, surtout dans une relation sous emprise où tout ce que l’on dit, fait, ressent est remis en question sans cesse.
On nous apprend également, depuis petite, à ne pas écouter cette intuition. C’est Pauline Arrighi qui le souligne dans cet ouvrage dont j’écrivais une revue en 2020.
Écouter notre corps, nos émotions peut réellement nous sauver.
Ai-je été victime de gaslighting ?
Pour ne rien vous cacher, j’ai été très perturbée sur la définition qui se cache derrière ce terme du vocabulaire féministe. Je ne m’attendais ni à être secouée, ni à devoir me plonger dans des articles de psychologie.
Pourtant, à la question “ai-je été gaslightée ?”, je réponds “oui, plusieurs fois”.
Parfois, de manière anecdotique, lors de conversations avec des hommes niant mes émotions et mon vécu et ne faisant pas partie de ma vie.
D’autres fois, de manière beaucoup plus sournoise et violente. J’ai vécu une relation sous emprise lorsque j’avais 16 ans, avec un pervers narcissique – je vous en parlais brièvement dans cet article. J’ai aussi vécu une autre relation où mon existence était tellement niée que j’en venais à vouloir en finir avec celle-ci. C’était entre mes 25 et mes 28 ans. Même dans mon entourage très proche et que je considérais comme sécurisé (la famille, si si), j’ai été gaslightée. Plus récemment, j’ai été confrontée à cela… Par messages interposés avec un homme que je n’avais jamais rencontré (un ami d’une amie – prévenue depuis de son comportement anormal). Spoil : j’ai prévu de vous expliquer en quoi ses messages étaient de parfaits Bingo du misogynes gaslighter.
Aujourd’hui, j’ai non seulement appris à (ré)écouter mon intuition, mais j’ai aussi compris comment me protéger. Je quitte toute situation où je risque d’être victime de cette forme de contrôle et de négation de mes émotions et de mon vécu.
xoxo
Elena sans H
Retrouvez les sources de cet article :
https://www.psychologue.net/articles/le-gaslighting-le-reconnaitre-et-sen-proteger
https://www.verywellmind.com/is-someone-gaslighting-you-4147470
https://www.urbandictionary.com/define.php?term=Gaslighting
http://www.slate.fr/audio/mansplaining/gaslighting-quand-hommes-faire-passer-femmes-pour-folles-58
Merci pour cet espace d’information
Sur le point d’identifier une relation d’emprise dont l’auteur est un marginal revendiqué de 40 ans et pour laquelle j’entrevois un danger pour moi,
très amoureuse et très attirée physiquement, un baiser profond échangé au bout de 10 mois d’approche difficile
Cette lecture me conforte dans l’instinct récent d’avoir à m’en éloigner vite et de façon catégorique.
Encore merci
C’est là toute l’utilité de ce que je propose ici, merci.
Tu es forte ! Bravo d’en avoir conscience.