La misandrie, c’est quoi ?
Cette année encore, tonton blagueur est à table. Votre frère ne dit rien face à ses propos sexistes. Vous levez les yeux au ciel en soupirant : “les hommes sont tous des cons”. Ne seriez-vous pas misandre ?
Définition
La misandrie désigne le sentiment de mépris ou d’hostilité envers les hommes.
Ce mot fait son apparition dans les années 70 et remplace alors le terme d’androphobie qui désigne la peur des hommes. La misandrie lie la peur et le sentiment de mépris envers les hommes.
Le sens général de la misandrie évolue
Selon sa définition, la misandrie serait l’opposé de misogynie. Elle serait donc une forme de sexisme.
Cependant, les conséquences de la misandrie n’ont rien à voir avec celles de la misogynie : la très grande majorité des violences sexistes et sexuelles restent à l’encontre des femmes, initiées par des hommes. Cependant, de nombreuses violences subies par les hommes ne sont pas assumées puisque cela mettrait à mal leur virilité, leur statut d’homme dans la société. Une des joyeuses conséquences de notre société patriarcale, oui… Même sur les hommes.
On constate ainsi que le sens général de “misandrie” est aujourd’hui en train d’évoluer. En effet, la misogynie est l’expression d’une haine, d’un mépris envers les femmes étroitement liés à la violence. En somme, la misogynie est dangereuse.
“(…) les misogynes usent d’armes allant du harcèlement en ligne jusqu’à l’attentat” (P. Harmange dans Moi les hommes, je les déteste p.34).
On rappelle aussi que la misogynie est à l’origine d’un génocide des femmes plus connu sous le nom de “chasse aux sorcières” (M. Chollet, Sorcières).
Tandis que la misandrie, elle, semble plutôt initier un élan de bienveillance et de sororité. Elle pousse à privilégier les femmes, les moments entre femmes, les œuvres faites par des femmes. Le mépris s’exprime tout à fait différemment. Peut-on alors dire que la misandrie est le pendant de la misogynie ? Je ne crois pas.
D’où ça vient ?
C’est à travers les bouquins de Pauline Harmange (Moi les hommes, je les déteste) et Alice Coffin (Le génie lesbien) que le terme de misandrie a refait surface, notamment parce qu’il a été cité par les médias.
Le problème, c’est que ce terme est manipulé par les médias selon sa définition première : la misandrie est décrite comme une intolérance profonde vis-à-vis des hommes, comme l’expression d’un sexisme opposé à la misogynie. Cela participe à rendre ces écrits, ces personnes inaccessibles à toute une partie de la population. Mise à jour du 25/08/23 : la misandrie est en fait un terme vernaculaire. C’est-à-dire, un mot, un concept, qui évolue avec son temps. Peut être que la définition première créait une opposition à la misogynie. Toutefois, l’Histoire et les actualités nous montrent qu’il ne s’agit pas d’un opposé mais bien d’un moyen de se protéger.
Je n’ai pas lu le bouquin d’Alice Coffin donc je ne pourrais pas vous rapporter son contenu.
Quant à l’essai de Pauline Harmange, celui-ci fait clairement l’éloge de la misandrie, mais une misandrie au sens général d’aujourd’hui : elle pousse à chérir les femmes qui nous entourent.
Ce qui est intéressant dans le point de vue de P. Harmange sur la misandrie, c’est qu’elle décrit cela comme : “un principe de précaution parce que nous sommes élevées en tant que femmes à faire confiance aux hommes parce qu’ils sont mis sur un certain piédestal du fait qu’ils sont des hommes.”
Je vous invite à lire mon article sur ce bouquin juste là.
Pourquoi la misandrie est-elle nécessaire ?
Un rapport plus équitable
Peut être que certains hommes qui liront ces lignes seront offusqués. Peut être que d’autres comprendront. Peut être que d’autres me traiteront de “féminazie”. Dans tous les cas, il faut se rendre à l’évidence : nous sommes dans une société où les hommes sont naturellement valorisés, où les qualités dites “masculines” sont davantage considérées, où il fait simplement bon d’être un homme (cis, hétéro).
Il n’y a qu’à voir dans notre éducation : on demande aux filles de rester de douces et discrètes créatures tandis que les garçons peuvent être aussi bruyants qu’ils le souhaitent, et ce, dès le plus jeune âge.
Ce que la misandrie permet, c’est de se rendre compte qu’un homme n’est pas nécessairement meilleur que soi, sous prétexte qu’il est un homme. Ressentir de la méfiance envers un homme nous permet d’avoir du recul sur lui, sur son comportement et de ne pas automatiquement le surestimer, ni le mettre sur un piédestal. Finalement, la misandrie est comme un baromètre de protection pouvant mener vers un rapport entre hommes et femmes plus équitable.
Pousse vers la sororité
La misandrie crée un filtre envers les hommes mais permet surtout de valoriser les femmes qui nous entourent. Puisque nous ne mettons pas en lumière les hommes, nous nous autorisons davantage à mettre en lumière des femmes. C’est comme si cette méfiance, cette hostilité commune permet aux femmes de se retrouver sur un même sujet.
Les écoféministes sont d’ailleurs les premières à avoir mis le doigt sur ce rapport dominant/dominé et à se réunir à travers des cercles de sororité, des rituels, des moments qu’entre femmes.
Un rôle politique
Tout comme la sororité a une finalité politique, la misandrie peut elle aussi provoquer des débats plus que nécessaires :
“Si la misandrie a une efficacité politique, je crois qu’elle est précisément là mais juste là : elle oblige à montrer, à réagir et à nous réunir, toutes et tous, autour de ce qui nous divise.”
Les risques de la misandrie
Même si j’ai focalisé cet article sur le sens général actuel du terme de misandrie, je pense qu’il est toutefois important d’en noter les risques, selon sa définition.
Reproduire un système de domination
Selon moi, c’est le risque le plus évident de l’expression d’une misandrie : reproduire le système de domination patriarcale. Cela me fait penser à cette phrase des colleuses que j’avais vue lors de la marche #NousToutes en 2019 : “Il est temps que la peur change de camp”.
Autrement dit, il est temps que les hommes aient peur des femmes et donc que les femmes dominent la société.
Sauf que selon moi, les féministes qui pensent ainsi se mettent le doigt dans l’œil. Vouloir asservir les hommes sous prétexte qu’ils dominent la société depuis des millénaires n’est pas la bonne marche à suivre puisqu’il s’agit de reproduire une domination qui nous victimise. La volonté première du féminisme est de montrer qu’il est possible de vivre autrement, en dehors d’un système de domination et de soumission de l’autre. C’est ainsi que j’en viens au deuxième point…
Exclure les hommes des luttes féministes
Ne rester qu’entre femmes, dans bien des circonstances, c’est nécessaire et ça fait du bien. Mais exclure complètement les hommes des luttes féministes… Je ne trouve pas ça hyper constructif.
C’est ensemble que nous pourrons construire un avenir plus sain, plus en communication avec l’autre. Nous avons besoin que les hommes nous écoutent, nous comprennent et nous soutiennent dans nos luttes que certes, nous pouvons mener seules mais seulement sur un bout de chemin.
Nous devons et pouvons nous entourer d’hommes qui sont en cours de déconstruction, qui sont bienveillants et qui pourront aussi apporter leur pierre à l’édifice de l’équité.
Mise à jour du 25/08/23 : aujourd’hui, je crois qu’on peut qu’on peut se débrouiller entre femmes cis et trans et avec nos alliés pédés. J’ai un gros doute sur l’utilité de l’homme hétéro dans nos luttes.
Bien entendu, je n’inclus pas ceux qui sont bien ancrés dans leur misogynie. Nous n’avons pas de temps à perdre avec ceux-là.
Créer une fracture genrée
J’admets qu’il n’est pas évident pour moi de plaindre les hommes. Toutefois, je dois reconnaître que la misandrie peut engendrer une fracture genrée, tout comme le fait la misogynie.
Elle peut participer à l’absence totale de communication entre hommes et femmes. Déjà que c’est compliqué, si en plus on arrête totalement de leur parler, on n’va pas s’en sortir !
Il peut aussi être plus difficile pour les hommes d’avoir accès à certains métiers considérés comme “féminins”(ça, c’est de la misandrie intégrée) comme sage-femme, esthéticienne, etc. Voyez ?
Quoi qu’il en soit, j’ai tout de même envie de retirer du positif de cette misandrie : le sentiment de haine a quelque chose de fédérateur. Mais il ne fédère pas pour soumettre, pour faire preuve de violence, non. La misandrie fédère en tirant de la bienveillance de sa haine. Finalement, est-ce qu’on n’a pas tout à apprendre des féministes ?
Comment savoir si vous êtes misandre ?
Votre premier regard sur un homme est hostile ? Vous ne pouvez pas vous empêcher d’analyser tout ce qu’il dit ? Vous ressentez de la méfiance à l’égard des hommes ? Vous préférez les femmes autour de vous ?
Alors vous êtes certainement misandre, et ce n’est pas grave. Pas grave du tout.
Mon conseil pour éviter les conflits misandres pendant les fêtes :
Messieurs : levez-vous et épluchez les patates !
Mesdames : si c’est trop, soupirez un bon coup et quittez la table.
Sources de l’article :
https://www.franceculture.fr/emissions/carnet-de-philo/la-chronique-philo-du-lundi-05-octobre-2020
https://fr.wikipedia.org/wiki/Misandrie
https://information.tv5monde.com/terriennes/les-hommes-moi-je-les-deteste-un-eloge-la-misandrie-qui-derange-376063https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/10/16/misandrie-la-forme-pamphletaire-ne-justifie-pas-les-abus-de-la-liberte-d-expression_6056214_3232.html
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