Le slut shaming, c’est quoi ?

Alors que je citais brièvement mes années d’expérience sur les applications de rencontre au travers d’une vidéo publiée sur mon compte TikTok*, j’ai été surprise de voir que les conclusions hâtives d’un bon nombre de personnes me mettaient dans la catégorie de “salope” – sous couvert d’une vie sexuelle apparemment trop active. D’une part, je n’ai abordé à aucun moment ma vie sexuelle (qui ne regarde que moi) et d’autre part, ce dont j’ai été victime s’appelle du slut shaming. 

Puisque visiblement, ces humiliations sexistes restent encore trop fréquentes sur les réseaux sociaux et ailleurs, j’ai décidé de décrypter ce terme pour vous permettre, je l’espère, d’en avoir conscience et de vous en défaire.  

Définition du slut shamming

Comme l’indique le Conseil du Statut de la Femme au Québec, le slut shamming est un : 

“Néologisme composé des mots anglais slut (salope) et shame (honte) désigne le fait de critiquer, stigmatiser, culpabiliser ou encore déconsidérer toute femme dont l’attitude, le comportement ou l’aspect physique sont jugés provocants, trop sexuels ou immoraux. Les attaques peuvent être physiques ou morales et elles entretiennent l’idée que le sexe est dégradant pour les femmes.”

https://csf.gouv.qc.ca/article/publicationsnum/bibliotheque-des-violences-faites-aux-femmes/slutshaming/

En plus explicite, c’est considéré qu’une femme est une pute, une salope, une traînée, parce qu’elle porte une mini-jupe, qu’elle a eu plusieurs partenaires sexuels, qu’elle veut des relations sexuelles sans lendemain, qu’elle drague, qu’elle met du rouge à lèvres, qu’elle porte des vêtements moulants, etc. Tout prétexte rend valable ce type d’humilitation. C’est porter un jugement négatif sur le corps d’une femme, sur ce qu’elle porte, sa manière de parler, de se comporter et sur sa vie (présumée ou non) sexuelle. Mais, de quoi tu te mêles ?

D’où vient le terme ?

J’adore comprendre d’où les termes et concepts viennent puisque cela permet aussi de mettre en lumière les personnes ayant participé à l’utilisation généralisée de mots qui aident à lutter contre le patriarcat. 

Les plus anciennes traces de pratiques du slut shaming remonteraient au 17ème siècle, à la Cour d’Angleterre, où des écrits utilisant des mots très violents à l’encontre de femmes (souvent, de femme à femme) ont été retrouvés. 
Mais le terme de “slut shaming” en lui-même aurait fait son apparition dans un roman de science-fiction de 1998 (ça me demanderait davantage de recherches pour retrouver ce roman)

Le lexicographe, Ben Zimmer, date la première véritable apparition de ce terme en 2006, parmi les commentaires d’un blog féministe. Puis, en 2008, Kerry Howely l’utilise dans un article de son blog, Reason. Et c’est au cours des débats de 2010 sur les droits des travailleuses de sexe que le mot slut shaming prend peu à peu sa place politique actuelle : celle de dénoncer des propos dégradants à l’encontre des femmes sexuellement actives. Puis, en 2011, le terme s’est diffusé à plus grande échelle grâce au SlutWalks : ces manifestations visant à dénoncer les injonctions à “ne pas s’habiller comme une salope”. 

Pourquoi c’est un problème ?

Ce n’est pas le terme en lui-même qui est un problème puisqu’au contraire, il pose des mots sur le problème. Non, ce qui ne va pas, c’est de considérer qu’une femme est une salope dès lors qu’elle ne rentre pas dans l’archétype de la femme distinguée (encore faut-il se rendre compte de la subjectivité de cela) (et quand bien même elle est distinguée, si elle l’est trop, elle risque d’être critiquée comme étant coincée ou frigide.). Arrêtez de commenter nos corps et nos comportements. Merci. 

Blesse les personnes victimes de slut shaming

Le premier problème et qui n’est pas si évident aux yeux des personnes qui slut shament, c’est que les propos prononcés à l’encontre des victimes de slut shaming sont blessants, humiliants et dégradants. Les conséquences peuvent aller jusqu’au suicide chez certaines jeunes femmes. Je n’ai pas trouvé de chiffres spécifiquement sur cela, mais dans le cas des suicides d’adolescentes, la cause du slut shaming revient très souvent. Je vous invite aussi à regarder la série Thirteen Reason Why pour comprendre comment cela peut s’immiscer profondément dans un sentiment de mal être global d’une victime, au point qu’elle veuille en finir avec sa précieuse vie. 

Il faut donc avoir une certaine dose de confiance en soi pour passer outre. Et quand bien même, cela ne veut pas dire que ces propos ne fragilisent pas. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai été contrainte de retirer la vidéo de mon compte TikTok (avant la parution de cet article) : les mots étaient si nombreux et si insultants que je n’en dormais plus.

Participe à la culture du viol

Euh… mais de quoi elle parle celle-là ? 
Si tu ne sais pas ce qu’est la culture du viol, tu peux écouter ça ou lire ceci

La culture du viol, c’est un ensemble d’attitudes et de comportements partagés au sein d’une même société et qui vise à normaliser voire encourager le viol. Donc ouais, on n’aime pas du tout, du tout, du tout. 

Et le slut shaming participe grandement à cette culture du viol.
Pourquoi ? Parce qu’on va considérer qu’il est normal d’insulter une femme qui porte une certaine tenue et/ou a un certain comportement et parce qu’elle “le cherche”, et qu’elle ne dira probablement pas non (et puis son “non”, ne comptera pas de toute façon). Si elle est agressée, c’est de sa faute, elle l’a bien cherché.
C’est comme ce débat sur le crop top à l’école : les adolescentes doivent porter une tenue considérée “décente” et pas des crop tops, parce que ça déconcentre. C’est aussi comme des dépôts de plainte où la police te demande quelle tenue tu portais quand tu as subi une agression ou un viol. On met la faute sur la personne qui porte la tenue et non pas sur la personne qui considère la tenue comme un prétexte pour agresser ou violer. 

Toutes ces petites choses considérées comme banal, participent à une culture du viol toujours terriblement présente. Je vous invite à lire ce dossier à propos de l’exposition “Que portais-tu ce jour-là ».

Perpétue des stigmatisations sexistes et patriarcales 

Finalement, ce point permet de reprendre les propos des deux points ci-dessus : slut shamer, c’est considéré comme valable et normal de rabaisser une femme en jugeant l’ensemble de son physique et de son comportement. 

Du coup, c’est aussi considéré que l’on est supérieur.e à cette femme que l’on juge. N’est-ce pas là le rôle du patriarcat ? 

Je pense aussi aux femmes qui jugent d’autres femmes – et pour être honnête, ça m’est arrivé plusieurs fois dans ma vie d’être celle qui juge. Prenons conscience que nous reproduisons à la fois les schémas d’une misogynie intégrée et qu’il s’agit aussi de vouloir se protéger du slut shaming. En insultant celle qui porte un décolleté, ne sommes-nous pas face au miroir de l’absence d’acceptation et d’amour de notre propre corps et de notre propre sexualité ? 

Comment éviter le slut shamming ? 

C’est comme ça que je vois la vie : un problème ? Des solutions ! Alors, voici des idées pour éviter le slut shaming, en tant qu’agresseur.se et en tant que victime. 

Ne pas juger une tenue et/ou un comportement 

Il est souvent bon de rappeler l’évidence : si tu ne juges pas une tenue et/ou un comportement, cela t’évitera de slut shamer une personne. D’une part, tu ne connais pas le rapport que cette personne a avec son corps et sa sexualité. D’autre part, ne fais pas aux autres ce que tu n’aimerais pas que l’on te fasse (leçon numéro 1 de ma mère). 

Dénoncer les propos humiliants 

C’est bien de ne pas slut shamer et c’est encore mieux si tu participes aussi à la prise de conscience des personnes qui continuent de le faire. Pour ça, rien de plus simple : dire à un.e tel.le que ce qu’iel vient de dire n’est pas ok. Tu risques peut être de créer une gêne mais au fond, tant mieux non ? Cela voudra dire que la personne qui slut shame se rend compte de sa posture d’oppresseur. Et si cela ne change rien, au moins, tu l’auras dit sans passer outre des propos inacceptables. 

Encourager les femmes autour de soi à s’habiller et se comporter comme bon leur semble

Encore un niveau supérieur : prendre le temps de dire à une personne qui a pu être victime de slut shaming qu’elle est belle, qu’elle est forte et qu’elle fait bien de continuer à porter une mini-jupe parce que ça lui va hyper bien. 

Finalement, ça fait partie de la sororité. Mais les hommes aussi peuvent y participer sans être considérés comme des gros lourds. Tout est une question de délicatesse et de communication bienveillante. 

Parles-en et ne reste pas seule

Si tu es victime de slut shaming, parles-en. Déjà, tu n’es pas seule. Ensuite, cela te permettra de prendre de te rappeler que ce n’est pas de ta faute. Je glisse également que si tu es slut shamée en ligne, le cyberharcèlement est puni par la loi.

Si tu as des questions sur le slut shaming ou si tu souhaites témoigner, laisse un commentaire et j’y répondrai. 
xoxo
Elena sans H

Voici mes sources : 

https://www.madmoizelle.com/slut-shaming-115244

https://www.radiofrance.fr/mouv/podcasts/debattle/comment-faire-pour-en-finir-avec-le-slut-shaming-3503202

https://www.noovomoi.ca/vivre/temoignages/slutshaming.html

https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/on-dira-ce-qu-on-voudra/segments/chronique/9563/equivents-francais-fomo-slut-shaming

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/tanguy-pastureau-maltraite-l-info/le-slut-shaming-n-existe-pas-au-masculin-8968261

https://www.plannedparenthood.org/blog/what-is-slut-shaming

https://www.dictionary.com/e/slang/slut-shaming/

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