Politiser le bien-être, Camille Teste

Au moment où j’entamais la rédaction de l’article proposant 9 manières de prendre soin de soi, gratuitement, j’ai vu passer Politiser le bien-être, un essai proposé par Camille Teste. Ni une, ni deux, je l’ai commandé en vue d’apporter de la matière à mes réflexions sur le selfcare. Maintenant que c’est chose faite, passons à une revue de lecture dédiée à celleux qui prennent soin. 

Ce que j’ai aimé dans Politiser le bien-être de Camille Teste

Il ne s’agit pas que d’une critique du marché du bien-être. Camille Teste propose aussi des solutions pour sortir d’une dynamique néolibérale de ce qui devrait être accessible à toustes : le fait de prendre soin de soi. Je pense que cet ouvrage s’adresse aussi bien aux adeptes du bien-être, à fond yoga-matcha et tralala, qu’aux militant.e.s engagées auprès d’associations féministes, anti-racistes, écologistes, etc et aux gens qui se qualifient “de gauche”. J’admets avoir moins d’espoirs qu’une telle lecture parle concrètement aux gens de droite. Il offre la possibilité de déconstruire la manière dont nous abordons le bien-être aujourd’hui pour le remettre là où il pourrait et devrait être vraiment utile : être un tuteur d’un monde plus juste, conscient et durable. 

Bon maintenant, je vais tenter de ne pas trop vous spoiler…Je ne vais pas m’arrêter sur tout le bouquin, uniquement des parties qui m’ont particulièrement marquées.  

Néolibéralisme et bien-être

Cette partie m’a particulièrement énervé, non pas parce que je n’étais pas d’accord, mais parce que je lisais enfin des choses concrètes sur des observations faites dans le milieu du bien-être et en tant que “pratiquante”. Oh wow, j’utilise direct un mot à connotation religieuse.

Ce qui est flippant dans le bien-être comme on le voit et on le vit aujourd’hui, c’est qu’il est l’apologie d’une “recherche d’un équilibre intégral”, selon le Global Wellness Institute (p.22). En gros, Camille Teste explique, avec des données chiffrées et référées sur le GWI, que le secteur du bien-être est “une des poules aux œufs d’or du capitalisme”. Chouette, j’adore. 

Dans mon expérience personnelle, j’ai déjà constaté qu’il y a une vraie course à la perfection : toujours faire plus, toujours être la meilleure version de soi-même, ne jamais aller mal et être heureu.x.se en permanence. Je ne dis pas que j’ai déconstruit absolument tout cela parce que je pense que je suis un bon produit de ce bien-être à la sauce néolibérale. Mais, j’ai conscience de ses travers hyper individualistes et ses injonctions épuisantes. 

Aussi, pendant le premier confinement de 2020, j’avais ressenti une pression palpable pour être cette meuf parfaite et prendre parfaitement soin de moi : yoga tous les jours, repas équilibrés, pensées positives, etc. Le tout, dans un contexte ultra traumatisant. 

A travers cette lecture, j’ai découvert que “cette logique du bonheur comme impératif moral” (p.30) est en fait un pur produit du néolibéralisme : faire tout en son pouvoir pour toujours être la meilleure version de nous-même et en obstruant tous les éléments autour. 

L’autrice explore aussi la notion de New Age – ultra flippant le truc. En gros, c’est une interprétation assez zinzin de l’ésotérisme, qui nous pousse à trouver la meilleure version de nous-même en permanence. J’ai un burn out rien qu’en y pensant. J’ai même découvert qu’il est le “nouveau terrain de jeu à des idéologies complotistes, réactionnaires voir fascisantes.” (p.49). 

Burn out et self care dans le milieu militant

Encore un sujet que j’ai vécu et dont je peux témoigner : la perfection militante qui se dissocie systématiquement du bien-être. 

Camille Teste donne l’exemple, page 56, de l’association de désobéissance civile – Extinction Rebellion. Une organisation qui s’est pris d’énormes taquets alors qu’elle tentait de proposer des programmes de bien-être pour ses militant.e.s. Pas le droit de prendre soin de soi quand on milite : c’est de la perte de temps ! Dans les espaces militants, le déni de vulnérabilité est grand : pas le droit d’aller mal puisqu’autour de soi, tout va encore plus mal. Pour aller encore plus loin, l’autrice affirme que “cette façon de contourner ses besoins corporels et émotionnels (voire de considérer que les autres devraient faire de même), existe bien au-delà des cercles militants : elle est profondément ancrée dans la culture patriarcale, et s’observe en particulier dans les sphères masculines.” (page 70). Et je suis entièrement d’accord, évidemment.

“Si vous vous brûlez, vous ne servirez plus à rien.” (page 69)

Le truc c’est que, s’il n’y a plus de militant.e écolo, féministe, anti-raciste… Qu’est-ce qu’on fait ? Qui organisera les manifs ? Qui fera des actions de sensibilisation ? Qui poussera les gouvernements à se bouger ? Est-ce que prendre soin de soi pour pouvoir prendre soin des autres ensuite, ne serait pas là aussi un acte militant ? 

C’est quelque chose que Joanna Macy – dont je vous ai déjà parlé dans cet article – avait bien compris alors qu’elle créait un programme pour accompagner les militant.e.s de Greenpeace dans les années 80. Lorsque j’avais participé à la retraite autour du Travail qui Relie, nous n’étions qu’entre femmes. Il s’agissait d’un hasard et non d’une non mixité choisie. Et puis, je me souviens qu’autour de la table, nous savions déjà pourquoi nous n’étions qu’entre femmes : nier la vulnérabilité que peuvent être la solastalgie et l’éco-anxiété est un processus patriarcal. 

Faire une révolution grâce au bien-être

Cette partie fut de loin ma préférée : j’adore quand des solutions sont proposées, aussi concrètes et réalisables soient elles. Comme l’affirme Camille Teste, nous évoluons dans “une société qui n’est absolument pas structurée pour favoriser notre épanouissement.” (p.81). A partir de ce constat là, que fait-on ? 

Pour le coup, je ne vous donnerai pas les solutions envisagées puisque je vais vous inviter, encore une fois, à vous procurer ce bouquin pour soutenir l’autrice. 

Bon, ça va, j’ai pas trop spoilé non ? 
Racontez-moi si vous le lisez !

xoxo 
Elena sans H

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