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Plusieurs semaines après le déconfinement : avez-vous relégué votre soutien-gorge au placard, ou non ?
Je me pose la question puisque pendant les 2 mois confinés, ma poitrine, elle, ne l’était pas (confinée). Libre comme l’air, bondissant et rebondissant – non pas à travers champ mais juste, à travers chambre – j’ai goûté le plaisir de laisser mes seins vivre leur vie tout au long de ces journées acharnées de télé-travail, de yoga et de squats en tous genres. #jadorelesclichés
Pourtant, quelques jours à peine avant le Ô sacré lundi déconfiné, j’ai ressorti une de mes parures armaturée pour cacher ce sein que les gens ne sauraient voir. Parce que oui, moi je les vois mes seins, et ça ne me dérange pas. Ce ne sont que les autres qui peuvent être dérangés par la vision d’un bout de téton (diantre) qui (se) pointe à peine. Et s’apercevoir que les autres regardent, c’est embarrassant.
Voilà ce qui a suscité tant de réactions sur mon compte Instagram, suite au partage de cette réflexion. Votre intérêt pour le sujet m’ayant particulièrement touché, je vous présente aujourd’hui un article dédié au soutien-gorge et à sa symbolique actuelle : doit-on s’en libérer ?
À travers un bref rappel de l’histoire du soutien-gorge et une analyse de divers témoignages, découvrez pas à pas la réponse à une question plus qu’actuelle tant elle est imprégnée d’une révolution féministe 3.0.
Retrouvez à la fin de l’article les liens vers l’illustration ci-dessus.
Petite histoire du soutien-gorge : du symbole d’émancipation à celui d’oppression
D’une libération du corset à l’injonction du port du soutien-gorge, en passant par l’expression de l’individualité des corps mais aussi par les stéréotypes esthétiques, le sein en a vécu des ascenseurs émotionnels et des idées préconçues. Retraçons brièvement l’Histoire de celui qui le cache, afin de mieux comprendre pourquoi nous sommes de plus en plus à vouloir s’en libérer.
Le soutien-gorge, symbole d’émancipation
C’est bel et bien une femme qui inventa le tout premier soutien-gorge. Herminie Cadolle, une ouvrière féministe révolutionnaire présenta son invention lors de l’exposition universelle de Paris, en 1889. Elle fut brevetée 10 ans plus tard. Et adopté plus largement… encore plus tard. Vous pourrez constater en regardant ce bref reportage, que les femmes étaient si habituées au corset, qu’elles mirent un temps fou à s’en détacher. À vrai dire, c’est la démocratisation du sport féminin et la Première Guerre Mondiale qui participèrent à l’abandon du corset : celui-ci empêchait quasiment tous les mouvements et causait de nombreux dysfonctionnement physiques.
Le premier soutien-gorge nommé à l’époque, le “corselet-gorge”, offrit enfin aux femmes la possibilité de bouger, de s’asseoir, de vivre (tout simplement, oui), sans la contrainte d’un vêtement qui modifie leur silhouette à grands coups de morceaux de ferraille s’insérant dans les côtes. Le soutien-gorge était considéré par son inventrice comme un élément d’émancipation.
source : https://www.franceculture.fr/histoire/a-lorigine-du-soutien-gorge-une-feministe-revolutionnaire
Le soutien-gorge, symbole d’asservissement et d’aliénation féminine
Près de 100 ans plus tard, les féministes considèrent que le soutien-gorge participe à l’asservissement des femmes. Vous avez très certainement entendu maintes et maintes fois qu’en 1969, des “femmes ont brûlé leurs soutien-gorges”. Eh bien sachez que c’est faux. Personne n’a brûlé son soutien-gorge. Cela dit, des révoltes, il y en a eu.
Eté 1969 : des femmes se révoltent aux Etats-Unis contre ces clichés aux poitrines généreuses représentés dans les concours de beauté. Elles se révoltent contre ce qui fait d’elles des objets de consommation : le soutien-gorge, mais aussi les talons, les jupes, le maquillage, etc. Un semblant de révolution féministe flotte alors dans l’air : on revendique la réappropriation de nos corps, de notre sexualité. On dénonce le poids du patriarcat sur l’esthétique féminine.
« Nous ne sommes pas des objets de consommation. Et nous le manifestons en renonçant au plus provocant, au plus efficace de nos artifices. »
Et puis au même moment, la lutte pour l’IVG se voit consacrée, la contraception se généralise… Bref, le combat féministe n’est visiblement pas autorisé à s’étendre à toutes ses revendications. Avec ces grandes avancées, vient le fameux backlash – phénomène décrypté notamment par Susan Faludi dans Backlash, la guerre froide contre les femmes. Ces féministes ayant revendiqué leur liberté corporelle et sexuelle sont raillées, reléguées au rang d’hystériques.
Dès les années 1990, on en remet une couche avec le soutien-gorge rembourré. il forme le sein “idéal” pour le regard masculin (qui devient aussi notre regard à nous – j’aborderai cela plus tard) : en forme de pomme, rebondi, avec le téton haut. Corbeilles, rembourrage, push up, etc… On y va gaiement sur toutes les structures et artifices qui font de ces objets – à l’origine d’émancipation féminine – des objets d’asservissement de la femme face à l’image que l’on attend d’elle. On matraque le sein d’une image ronde, rebondie, uniforme… alors qu’il en existe en réalité des milliers.
“Mais lorsqu’apparaissent les « wonderbra » dans les années 1990, le soutien-gorge devient un outil d’aliénation. On assiste à une sophistication des contraintes : armatures, coussinets, rembourrages, les seins doivent se couler dans des coques préformatées…”
Puis, symbole d’une nouvelle révolution féministe
Depuis les années 2010, la réappropriation de son corps (et de sa sexualité, car l’un de va pas sans l’autre) commence à (re)devenir le cheval de bataille des mouvements féministes. Comme le souligne Camille Froidevaux Metterie, dans son ouvrage Seins, en quête d’une libération – le clitoris et la vulve sont devenues des symboles féministes. On sait désormais qu’ils existent, qu’ils méritent de l’attention. On sait à quoi ils ressemblent, ou ne ressemblent pas. En même temps… on ne les voit pas. Tandis que les seins, oui. Que fait-on des seins ? Que fait-on de ce qui constitue notre spécificité physique en tant que femme ? Quelle importance leur accorde-t-on ?
Jusqu’alors, les seins étaient ignorés – timidement chahutés entre leur rôle nourricier et leur place dans la sexualité. Mais depuis le confinement, il semblerait que nous soyons de plus en plus enclines à déconfiner – ou vouloir déconfiner – nos poitrines, comme pour revendiquer leur place (notre place ?) dans la société.
La réappropriation des corps, je l’ai remarquée depuis moins longtemps. Mon féminisme a mis du temps à se clamer et à s’affirmer. C’est en lisant, en écoutant, en discutant, que j’ai commencé à prendre conscience du regard, de l’attitude, que je m’imposais pour être une autre femme qui convient à ce que l’on attend d’elle. Avec cette affirmation féministe, une remise en question de la sexualité patriarcale dans laquelle j’ai – nous avons – grandi s’est imposée à moi. Je vous conseille par ailleurs l’essai de Martin Page, Au-delà de la pénétration.
Petit à petit, j’ai eu envie moi aussi de libérer mon corps de certains diktats : notamment celui de la poitrine coincée dans un soutien-gorge, probablement aussi parce que j’ai toujours assumé le fait d’en avoir une petite. Comme le dit l’autrice de Seins : “Chacune dispose aussi de la possibilité de résister, en s’appropriant les injonctions, en les adaptant ou en les refusant” (C. Froidevaux Metterie, Seins – en quête d’une liberté, p.54).
Plus globalement, selon l’IFOP, 18% des françaises de moins de 25 ans auraient décidé de ne plus porter de soutien-gorge, contre 4% avant le confinement. Une progression assez spectaculaire… À ce propos, en discutant avec une femme de 20 ans, j’ai appris que toutes ses amies refusent de porter un soutien-gorge, peu importe la taille ou la forme de leurs seins. Les mouvements #nobra et #freethenipples auraient-ils un bel avenir devant eux ? Cela dit, reste à se poser la question de l’acceptation de ces phénomènes dans l’espace public. Quand je lis des choses du type “les tétons apparents, c’est d’un vulgaire”, je me dis que nous avons encore un certain chemin à parcourir.
Source : https://www.franceinter.fr/societe/les-francaises-deconfinent-leurs-poitrines
Mais restons positif.ve.s : les seins se libèrent. La parole aussi. Dans chaque révolution, il y aura des réfractaires au changement, utilisant des arguments plus que douteux. Et dans chaque révolution, il y aura aussi des figures de proue pour l’incarner. Dès lors, où trouver du soutien pour participer à ce grand mouvement de libération ?
Celles qui incarnent la libération des seins
C’est en suivant notamment Gala que j’ai commencé à me questionner sur mes habitudes sous-vestimentaires. Gala est une fervente défenseuse du #NoBra depuis 4 ans. Elle lutte contre l’hypersexualisation des seins à travers l’abandon du soutien-gorge : “le no bra, pour moi, c’est faire un bras d’honneur à l’hypersexualisation de la poitrine féminine. C’est banaliser le téton. C’est montrer que nous ne sommes pas que des objets sexuels et que notre poitrine n’appartient à personne. Le no bra, pour moi, c’est finalement choisir et arrêter de subir.” source : compte Instagram de Gala
Les autrices féministes forment également un immense soutien dans chaque réflexion, action, analyse, que vous avancerez. Grâce à Camille Froidevaux Metterie, j’ai (re)pris conscience de l’importance de nos seins, de la manière dont les autres nous obligent à les façonner et de notre capacité à repenser ce qui est induit par la société : “l’une des actions subversives que le féminisme pourrait accomplir (…) ce serait donc d’assumer même de revendiquer la liberté, l’indétermination des seins” (C. Froidevaux Metterie, Seins – en quête d’une liberté, p.100).
Oui mais voilà… L’abandon du soutien-gorge est-il possible pour toutes les femmes ?
Les études sur le soutien-gorge
Scientifiquement parlant, le soutien-gorge est-il mauvais ou bon pour nos seins et notre santé ?
Les études sur les seins, il y en a. Malheureusement, la plupart d’entre elles concernent les améliorations pour les soutien-gorges ou bien la recherche sur le cancer du sein. Certaines études ont également été réalisées au sujet du lien éventuel entre soutien-gorge et cancer du sein, mais sans résultats très clairs.
Néanmoins, une étude américaine publiée en 2016, avance qu’il y aurait bien un lien entre le port d’un soutien-gorge serré plusieurs heures par jour et l’apparition du cancer du sein : “Les femmes qui portaient quotidiennement un soutien-gorge serré avaient une fréquence de cancer du sein qui était 2,27 fois plus élevé par rapport à celles qui en portaient moins souvent. Ce résultat a démontré qu’il existe une association entre ces variables et le cancer du sein chez les femmes pré- et post-ménopausées.”.
Quant aux bienfaits du No Bra, une double étude a été réalisée par le professeur Jean Dénis Rouillon, médecin du sport et professeur à l’Université de Franche-Comté. Celle-ci a été menée auprès de plus de 300 femmes depuis 1997.
Selon cette étude, le soutien-gorge serait inutile. Il participerait à l’inefficacité des tissus adipeux et musculaires servant au maintien de la poitrine. Sans être sollicitée, ces parties des seins s’atrophient et c’est ainsi que le sein perdrait de sa fermeté plus rapidement.
Source : http://www.slate.fr/story/184074/femmes-sans-soutif-no-bra-soutien-gorge-injonction-groupe-facebook
J’ai cherché une étude prouvant l’inverse : les méfaits de l’absence de soutien-gorge, sans succès. Peut être parce que celle-ci n’a pas été menée ? Peut être qu’elle sera enfouie par le secteur du soutif qui craint déjà pour sa santé financière ?
Quoiqu’il en soit, ni les études, ni les résultats obtenus sont tranchés sur la question du soutien-gorge. Alors plutôt que de s’attarder sur cela, j’ai décidé d’interroger ma communauté sur Instagram, au sujet des raisons qui les poussent ou non à libérer leur poitrine.
Les injonctions à porter un soutien-gorge, à travers vos témoignages
J’aurais pu me contenter de vous partager mon ressenti, mon expérience face aux injonctions à porter un soutien-gorge. Le travail aurait d’ailleurs été largement plus facile… mais aussi beaucoup moins complet.
Toutes les poitrines sont différentes. Même si les raisons qui nous poussent à porter ou abandonner un soutien-gorge le sont également, certains aspects se rejoignent de manière évidente.
À travers une quarantaine de témoignages de femmes entre 15 ans et 43 ans, quatre injonctions sont ressorties. Puis une partie dédiée au no bra, expliquant le ressenti des femmes face à la libération de leur poitrine complétera ce micro-trottoir. Enfin, je vous parlerai de mon vécu, parce que j’suis quand même un peu stylée. #seconddegré
À savoir :
- lors du sondage réalisé sur mon compte Instagram en mai dernier, 72% des personnes avaient laissé le soutien-gorge de côté pendant le confinement. Tandis que seulement 36% d’entre elles ont affirmé ne plus vouloir en porter. C’est d’ailleurs cette nette différence qui a mené à cet article : pourquoi continuons-nous d’en porter, alors qu’il est évident que dans un environnement sain et sécurisant, le soutien-gorge est la première chose que l’on abandonne ?
L’erreur ici commise, c’est d’avoir suggéré 2 réponses très tranchées. Toutefois, c’est aussi cela qui a permis de créer un débat sur le sujet : de très nombreuses personnes m’ont écrit pour me dire qu’elles ne se sentaient pas prête à complètement oublier le soutien-gorge. Cela dit, une prise de conscience a eu lieu, leur permettant de chercher des solutions alternatives (plus confortables, etc), tout en passant peu à peu au no bra*, selon la place mentale qu’elles ont pour assumer cette réelle remise en question sociétale.
*Nous verrons que le débat sur le no bra n’est pas nécessairement inclusif.
Mais alors, qu’est-ce qui nous pousse à porter un soutien-gorge ?
Le regard des autres : entre hypersexualisation et tabou des tétons
La première injonction que l’on subit et qui est apparu rapidement comme évidente, est celle du regard des autres. Dans une société où la femme est avant tout placée comme objet – sexuel d’abord, maternel ensuite – assumer sa poitrine ouvertement, peu importe sa tenue, sa forme, sa taille, est particulièrement difficile à cause du regard des autres.
Que ce soit le regard des hommes : “le regard des hommes quand je n’en ai pas est une barrière trop puissante.” (Amandine, 38 ans) ou même celui de tous et toutes : “j’ai l’impression que ça dérange les gens que je n’en porte pas.” (Anonyme, 27 ans), ce regard constitue une barrière évidente à l’abandon du soutien-gorge. Un regard qui peut être pesant, gênant, qui peut nous empêcher d’assumer la place de nos seins et de nos corps dans l’espace public. Par ailleurs, même si les choses évoluent, on ne fait que nous rappeler depuis des centaines d’années que la femme doit rester invisible… M’enfin c’est bien quand même si on peut r’garder, hein !
“Déjà qu’avec un soutien-gorge, les regards lubriques se dirigent vers ma forte poitrine, j’aurais jamais la force de supporter tous leurs regards si je n’en mets pas.”
(Anonyme, 23 ans)
Un regard qui est aussi induit par une hypersexualisation des seins, illustrée très récemment par le refus d’admettre une visiteuse au musée d’Orsay, sous prétexte qu’elle portait un décolleté : https://twitter.com/jeavnne/status/1303648509846061056
Les femmes aux fortes poitrines ne sont pas les seules à subir ces regards. Toutes les femmes subissent ces regards parce qu’elles possèdent… Des tétons. Camille Froidevaux Metterie le précise : “on se charge quotidiennement de nous rappeler que les tétons restent scandaleux et socialement inacceptables” ((C. Froidevaux Metterie, Seins – en quête d’une libération, p.98). Oui, le téton fait débat et ça me tétonne à chaque fois.
Peut-on halluciner devant cette récente étude proposée par l’Ifop où 20% des français affirment que de voir les tétons sous un vêtement peut être une circonstance atténuante en cas d’agression sexuelle ? Oui, on peut. Nous sommes en 2020, et la culture du viol reste cruellement ancrée en France. Je m’égare un peu…
Source : https://www.ifop.com/publication/le-boom-du-no-bra-tendance-de-fond-ou-effet-de-mode/
Cette hypersexualisation des seins participe largement au fait que l’on puisse se sentir en insécurité sans soutien-gorge : “je me sens vulnérable sans soutien gorge, comme si j’attirai le regard sur cette zone.” (Anonyme, 26 ans). On en vient même à avoir honte de ses tétons (merci Instagram – pour rappel, les photos montrant des tétons de femmes sont interdites sur les réseaux sociaux) : “si j’ai les tétons qui pointent (et la plupart du temps c’est le cas), j’ai beaucoup de mal à assumer car j’ai peur du regard des autres (…)”(Linda, 24 ans).
Entre hypersexualisation des seins, tabou des grosses poitrines et des tétons, l’injonction à la pudeur qui est exigée par les regards des autres peut rendre particulièrement difficile l’idée même de ne plus porter de soutien-gorge. Et s’il y a bien un lieu où l’on subit ce regard encore plus qu’ailleurs, c’est au travail. Serait-ce alors la raison qui a poussé bon nombre de femmes à laisser tomber le soutien-gorge pendant le confinement, le télé-travail s’étant généralisé ?
La pression sociale de porter un soutien-gorge au travail
J’ai reçu plusieurs témoignages, y compris de femmes pratiquant le no bra, précisant que dans un contexte professionnel, elles ne se sentent absolument pas capable d’assumer leur poitrine libre comme l’air. C’est comme si l’injonction à la pudeur était encore plus forte, plus présente dans un tel contexte. Est-ce parce qu’il y a une certaine proximité avec les hommes que sont nos collègues ? Est-ce parce que cela n’est pas admis qu’une femme se sente libre au point de ne pas porter un soutien-gorge ? Est-ce parce que l’image de la femme perchée sur talons aguilles et laissant entrevoir l’incroyable effet de son push up persite ? Probablement un peu de tout ça.
Je travaille dans un espace de coworking où la moyenne d’âge doit tourner autour de 30 ans et la majorité des personnes sont des hommes. J’ai fait le constat suivant : un certain nombre de femmes ne porte pas de soutien-gorge. Mais elles doivent accepter le regard des hommes, qui clairement s’arrête souvent dessus, si ce n’est font des remarques sur cette poitrine “qui bouge”. Je discute souvent avec mes collègues masculins, et lors d’un échange au sujet des seins, j’étais assez éberluée de me rendre compte à quel point leurs regards sont dirigés vers les seins. C’est tel que je n’avais moi-même pas remarqué qu’il y avait autant de femmes ne portant pas de soutien-gorge au travail. J’ai tout de suite pensé que je n’oserai probablement pas le no bra dans ce contexte, ou qu’il faudrait que j’accepte une forme de sexualisation de mon corps sans mon consentement. Genre, c’est pas parce que mes boobs se ballotent, que j’ai nécessairement envie d’être disponible sexuellement. Vraiment pas.
Je suis loin d’être la seule à penser ainsi : “Je suis architecte. Je n’imagine pas le regarde des clients ou artisans -hommes- se poser sur ma poitrine « nue » alors qu’il s’agit d’échanges professionnels. Ça m’est arrivé une fois de constater ce type de regard sur ma poitrine alors que je portais un soutif. Sur le moment j’ai fait mine de ne pas être gênée mais après coup j’étais dégoûtée et sur le cul d’avoir eu à subir ce type de regard déplacé.” (Mélanie, 26 ans)
Une femme doit se battre chaque jour pour prouver la légimité de sa place, de son poste, de ses missions, dans un environnement professionnel. En plus de cela, elle doit veiller à ce que l’on ne l’objectifie pas. “J’en porte chaque jour ou je bosse.” (Anonyme, 32 ans)
Enfin, un aspect est également revenu, bien que plus discret. Celui considérant que ne pas porter de soutien-gorge, c’est un peu comme être en pyjama. Que pour se sentir habillée, parée à affronter la journée, on va s’armer de son soutien-gorge : “j’ai l’impression que c’est comme m’habiller ou me maquiller, ça me fait me sentir business ready.” (Anonyme, 31 ans). Ici encore, c’est en lien avec ce que l’on a envie de représenter. Se parer de tous ces apparats, c’est ce qui participe aussi au fait que l’on aura le sentiment d’être prise au sérieux dans un univers professionnel. Comme si aussi, ne pas porter de soutien-gorge, pouvait incarner un manque rigueur, de professionnalisme. Tout ça parce qu’on a les seins qui pendouillent un peu…
Bon, de rédiger le paragraphe sur cette injonction m’a pas mal énervé. Et ce n’est pas fini… J’espère seulement que cela vous permet de poser une réflexion là-dessus.
Le regard des autres (pour ne pas dire, des hommes) façonne notre manière de nous habiller, le choix de nos sous-vêtements, notre envie de se libérer du soutien-gorge. Mais il façonne aussi notre vision des seins. Le sein rond, ferme, avec le téton haut. Le sein en forme de pomme. Et s’il n’était qu’un mythe ?
L’esthétique du sein : faut-il qu’il soit en forme de pomme ?
Je pense qu’aucune femme pourra affirmer qu’elle n’a jamais eu le fantasme d’avoir une poitrine ferme, ronde, avec le téton haut et pas trop gros. Le fantasme du sein en forme de pomme. Un fantasme nourri par le regard des hommes.
Difficile de savoir réellement quelle est l’origine de ce sein qui serait celui de la perfection. Il a d’ailleurs été dessiné ainsi depuis l’Antiquité. Et même s’il y a eu une période où le sein allaitant (donc plutôt volumineux) était celui qui s’imposait, aujourd’hui c’est bel et bien le sein rebondi, haut et ferme, qui est représenté partout. Sauf que… certain.e.s illustrateu.rice.s participent à la réappropriation de l’image figée du sein, pour mettre en lumière sa diversité : forme, couleur, taille, etc. C’est pourquoi j’ai décidé d’illustrer cet article avec ces quelques dessins. La boucle est bouclée j’te dis !
Toutefois, le fantasme persiste. Se défaire de cette image du sein rond s’avère parfois être un sacré parcours du combattant. Que ce soit pour les femmes aux seins petits ou les femmes aux seins plus gros, modeler sa poitrine pour qu’elle convienne à ce que l’on attend d’elle est très courant : “j’ai toujours porté des soutifs rembourrés avec armatures à cause de ma petite poitrine, je trouvais ça plus joli sous les vêtements, moins « plat » tout ça!” (Lamia, 35 ans). Comme le précise Camille Froidevaux Metterie, dans son ouvrage Seins : “c’est de cela dont il s’agit d’abord : il faut que la poitrine des femmes s’offre aux yeux des hommes” (C. Froidevaux Metterie, Seins – en quête d’une libération, p70).
On revient également à cette idée de ressentir une certaine honte de son corps à cause notamment de la forme de ses seins qui n’est pas “adéquate”. On veut des seins qui se tiennent, qui sont remontés, qui forment un décolleté chatoyant : “J’ai une poitrine tombante et parce que mes seins partent sur le côté (pas beaux du tout) je préfère en porter un.” (Floriane, 28 ans). On trouve qu’elle ne va pas avec le reste de son corps : “Je suis petite j’ai une poitrine forte et qui tombe donc ce n’est pas gracieux et ça me rétrécit.” (Dorothée, 38 ans). Certaines femmes ont une vision inesthétique de leur poitrine telle que celle-ci devrait disparaître pour le bien des autres : “je trouve que j’ai vraiment la poitrine qui tombe trop et ça pourrait « choquer ».”(Anonyme, 31 ans).
Mais si ! Floriane, Dorothée et toutes : votre poitrine est belle. Elle est belle parce qu’elle est à vous. Elle ne rentre pas dans les cases des diktats de beauté, des injonctions à être une bombe de magazines (sincèrement, qui l’est réellement ?), et c’est aussi pour cela qu’elle est belle.
Et puis, je pense qu’il est nécessaire de rappeler quelque chose : le mythe du sein en forme de demi-pomme est bel et bien un mythe. Seules quelques femmes ont des seins de cette forme. Et souvent ce sont des adolescentes. En fait, la société nous fait tou.te.s fantasmer sur des seins d’adolescente, qui souvent n’ont cette forme que quelques mois dans une vie. Un sein éphémère, donc. Sauf que le sein évolue. Qu’il a aussi mille formes, tout comme mille visages. Je ne peux que vous inviter à lire l’ouvrage de Camille Froidevaux Metterie : elle illustre et parle parfaitement bien de cela.
Quant au soutien-gorge, en vient-on à abdiquer ce qui nous fait (ou pourrait nous faire) du bien, pour éviter de se sentir mal à l’aise à cause des autres ? A cause de ce que l’on s’impose aussi ?
Rapport à soi : comment se réapproprier ses seins ?
Cette injonction est celle qui s’est révélée au fil des témoignages et de mon questionnement personnel. Elle est probablement la plus subtile, bien qu’elle vous paraîtra évidente en lisant les extraits de témoignages. Elle est aussi celle qui, d’une certaine manière, nous marque toutes : l’injonction que l’on se fait subir à soi-même. Le sentiment que l’on doit puisque c’est ça que l’on attend de nous. Cette injonction s’intègre entièrement dans le rapport à soi : rapport à son corps, rapport à son image, à sa représentation, et puis aux autres. Finalement, cette injonction que l’on se fait subir – inconsciemment ou non – est celle qui provoque une remise en question de ce soutien-gorge porté depuis des années. Celle qui fait que l’on va prendre le temps de regarder ses seins. De les sentir, de les toucher. Malgré toute la difficulté, le poids psychologique et émotionnel qu’il peut y avoir à se dégager de cette injonction, beaucoup, beaucoup de positif peut émerger si on a la place mentale de le faire.
On l’a vu plus haut : nous avons grandi avec un certain nombre d’idées préconçues sur les seins. Ils doivent être ronds, fermes, pas trop gros, pas trop petits. Ils doivent être cachés, mais pas trop non plus. On veut les voir mais si on allaite, on nous dit que c’est obscène. On les cache sous un soutien-gorge dès que ça commence à pousser, etc, etc. Mais voilà : avant de se défaire de ce soutien-gorge, ne faut-il pas se défaire de soi et des autres ?
Se défaire des autres
Se défaire des autres, c’est remettre en question les choses que ces personnes vont nous imposer : “Je dois MOI déconstruire, c’est que ma mère m’a toujours fait des remarques quand elle me voyait sortir sans soutif (en mode : c’est moins joli, ça fait moins « soigné », ça se fait pas trop…)” (Iris, 27 ans). Il y a cette idée que de ne pas porter de soutien-gorge, c’est être négligée. Ce qui rejoint finalement le sentiment d’être “plus pro” quand on en porte un au travail, par exemple.
On reproduit aussi ce que l’on connaît, que ce soit auprès de sa mère, de sa soeur, ou de ses copines : “ma mère a une forte poitrine, elle n’est jamais au grand jamais sortie sans soutien-gorge, donc j’ai fait du mimétisme, forcément.” (Anonyme, 28 ans). Mettre des mots sur ces injonctions, c’est déjà une première étape essentielle vers la réappropriation de nos corps dans l’espace commun. Avoir une véritable conscience de cela, c’est prendre aussi conscience de la place de nos corps, de nos seins.
Le soutien-gorge va souvent former une barrière de protection face aux autres. Que ce soit dans la rue pour éviter les regards, chez soi pour éviter les remarques, ou au travail pour se sentir plus en confiance. Mais cette question des autres, n’est-elle pas liée étroitement à soi-même ?
Pour se défaire de soi
Se défaire de soi… ça peut paraître hyper complexe, et à raison. Puisque se défaire de soi, c’est remettre entièrement en question des principes, des idées, des habitudes que l’on a adopté depuis toujours ou depuis un certain moment dans notre vie. Se défaire de soi – le soi qui a intégré ces principes – est nécessaire à partir du moment où ces mêmes principes ne correspondent pas à nos convictions, à l’image que l’on a envie de se renvoyer à nous-même ou encore à ce que l’on a envie d’être. C’est déconstruire tout un tas de construction sociale. Il n’y a pas de recette miracle pour cela, si ce n’est de lire, d’écouter, de s’imprégner de féministes qui ont écrit sur le sujet de la réappropriation de son corps, de sa place dans l’espace public. Et puis, il faut être prête à cela. Parfois, nos combats, nos luttes se trouvent ailleurs. Il n’y a aucun mal, aucune honte à ressentir si toutefois, l’idée de remettre en question votre habitude de porter un soutien-gorge ne semble pas vous convenir, à ce moment-là de votre vie. Vous y reviendrez peut être plus tard. Ou peut être pas.
Voilà ce que j’ai écrit à une femme m’ayant écrit au sujet du no bra et de son souhait d’essayer sans y parvenir :
Alors… La première chose que j’ai envie de te dire c’est : il ne faut pas justement. Chaque chose en son temps. Déconstruire cette image qui fait partie de nous, de notre société, de notre ensemble depuis si longtemps, c’est hyper dur. Parfois on y arrive, d’autres fois non et ce n’est pas grave ! Se dire « il faut » c’est s’infliger une nouvelle charge mentale. Juste prends le temps pour toi, vas y à ton rythme, lis, écoute, et ça viendra tranquillement… ou pas ! Et ce n’est pas grave.
Cela dit, je ne peux m’empêcher de constater que nous sommes souvent nos propres ennemis dans la libération de nos envies, de nos corps et de ce qui pourrait potentiellement mieux nous convenir. D’abord, par habitude : “j’aime être maintenue et sans j’ai vraiment la sensation qu’il me manque quelque chose donc je ne me sens pas confortable (Marie, 37 ans). Puis, parce qu’on se juge : “ça se voit vite quand ils ne sont pas tenus.” (Anonyme, 28 ans). Enfin, parce qu’on n’apprécie pas ressentir pleinement son corps et ses mouvements : “j’aime pas sentir mes seins balloter car quand je marche la sensation est désagréable pour moi.” (Hortensia, 25 ans) comme si nous étions en déconnexion avec nos seins. Comme si nos seins étaient une entité à part, qui nous gêne, qui ne devrait pas être là. Mais cette construction là ne vient pas de nous, car comme on l’a vu : nos seins ne nous appartiennent pas réellement. A moins qu’on le décide…
Se défaire de soi, c’est aussi se rendre compte que l’on a un corps qui existe, qui vit, qui réagit, qui respire et qui bouge. C’est accepter et aimer ce que l’on a. J’avais d’ailleurs rédigé quelques lignes à ce sujet, en 2017 : http://elenasansh.com/2017/10/26/accepter-son-corps-femme/
Et si on décidait d’aimer pleinement son corps ? Avec ses imperfections ? Ses particularités ? Et si on apprenait à se moquer du regard des autres, parce qu’après tout ce qui compte le plus, c’est le regard que l’on porte sur soi.
Pour (re)prendre connaissance de son corps.
Laisser de côté le soutien-gorge, c’est se libérer de l’espace physique et mental, pour prendre connaissance de son corps. Comme dit plus haut, c’est en acceptant de ressentir ces nouvelles sensations que l’on finira par les apprécier. Sans le soutien-gorge, nos seins reprennent leur place sur notre corps, face à notre regard ou entre nos mains. Et j’aime à dire que l’affirmation de soi, passe aussi par la pleine acceptation de ses seins. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’un élément physique purement féminin (féminin au sens large évidemment – n’oublions pas que les femmes trans ont souvent des seins). C’est en revendiquant ces seins comme étant les siens, comme ayant une place à part entière, comme étant uniques, que l’on parvient aussi à se sentir en harmonie avec soi-même. C’est découvrir des sensations naturelles : les seins qui se balancent, qui se dressent, qui vivent un peu leur propre vie malgré tout. Le tout, sans entraves artificielles.
Je rapproche ça à la sensation vécue quand je suis passée aux culottes menstruelles. C’était assez étrange de sentir ce sang coulé, alors que je trouvais ça un peu cra-cra jusqu’alors. Et puis très vite, j’ai eu l’impression d’être une sorcière, d’avoir un pouvoir hors norme parce que j’avais la pleine possession de mon corps et de mon ressenti. Eh bien, je suis passée par la même sensation en laissant de côté mes soutien-gorges armaturés. Je vous raconte tout cela à la fin de l’article.
Oui, mais voilà. Ne plus porter de soutien-gorge est devenu une évidence pour beaucoup. Moins pour d’autres… En particulier les femmes aux poitrines volumineuses.
La poitrine volumineuse : en manque de considération ?
Parmi les témoignages reçus sur mon compte Instagram, de nombreuses femmes m’ont partagé la difficulté de vivre avec une grosse poitrine. Souhaitant rendre cet article le plus inclusif possible, il est apparu évident qu’il fallait nommer une autre injonction : celle de cacher sa poitrine volumineuse. Encore une fois, vous pourrez peut-être dire qu’on en revient à l’injonction du regard des autres, de l’esthétique ou du rapport à soi. Oui, c’est vrai que l’on retrouve des éléments dans chacune de ces injonctions. Mais il me paraît essentiel de ne pas – de ne plus – invisibiliser les problèmes que subissent les femmes ayant des fortes poitrines.
Le poids des seins
Pour cet article, et pour tenter de mieux comprendre le quotidien d’une femme aux gros seins, j’ai regardé ce documentaire ARTE : https://boutique.arte.tv/detail/le_poids_des_seins
Il est à l’initiative de Kristen, ancienne actrice de Broadway qui s’apprête à faire une réduction mammaire alors qu’elle a une cinquantaine d’années. Je précise son âge non pas par jugement mais plutôt pour souligner le fait qu’elle ait attendu si longtemps pour se libérer de ce qui est rapidement devenu un vrai poids psychologique et physique : ses seins.
Ses seins, un 95G qu’elle subit, littéralement subit, au quotidien. Elle est rapidement enfermée dans cette image de blonde à forte poitrine qui représente l’un des clichés érotiques les plus connus mais aussi les plus moqués. Peu à peu, elle réalise à quel point elle se cache derrière ses seins, derrière cette image que l’on attendait d’elle.
Je vous conseille vivement de regarder ce documentaire de 50 minutes qui vous montre en quoi une femme peut être purement objectifiée, notamment parce qu’elle a une poitrine volumineuse.
Le regard sur les gros seins
J’ai toujours considéré que j’avais de la chance d’avoir une petite poitrine. Au cours d’une discussion avec mon copain, j’ai même dit que j’étais contente de ne pas avoir de gros seins, puisque j’ai toujours voulu qu’on me regarde dans les yeux et pas dans les seins. Sentir des regards s’attarder sur ma poitrine ne m’est pas souvent arrivé. Moins d’une dizaine de fois en tous cas.
Tandis que pour les femmes aux fortes poitrines, c’est une autre paire de manches : “je considère avoir une forte poitrine 105E, et que je n’assume pas particulièrement non plus. Sûrement dû aux regards des hommes et la sexualisation que ma poitrine leur renvoie” (Mari, 32 ans). D’ailleurs, avant d’être plus alerte sur ces sujets, sur les regards que l’on impose sur le corps des autres femmes, je m’attardais moi-même sur ces poitrines. Pas par envie, pas par jalousie. Mais parce que je trouvais ça fascinant. Le male gaze* s’était emparé de moi.
*male gaze : le male gaze, ou «regard masculin» en français, est un concept théorisé par Laura Mulvey en 1973. En gros, il signifie que le regard dominant dans la pop culture est celui d’un homme hétérosexuel. Source : https://cutt.ly/3fJmufL
Ce male gaze qui façonne notre manière de regarder le corps d’une femme, pour qu’il convienne à l’imaginaire collectif a également un impact sur les vêtements, la manière dont une femme doit s’habiller pour que cela convienne aux autres. Comme l’a exprimé Jeanne (je crois !) dans son tweet au Musée d’Orsay :
“si je n’avais pas de poitrine, on ne m’aurait rien dit”.
https://cutt.ly/PfJm42q
Nous sommes à la fois obsédés par les grosses poitrines et voulons les rendre invisibles : “la mode n’est pas vraiment faite pour les fortes poitrines, ce qui est sexy chez certaines peut être rapidement vulgaire chez les femmes à forte poitrine.” (Mari, 32 ans). Parce qu’on en voit “trop” (trop de peau, trop de téton, trop de seins), on s’offusque et range la femme dans la case “vulgaire”. Et puis rappelons-le : dans l’espace public, le corps des femmes appartient aux autres. Pourquoi donc arrêter de prendre des décisions pour elles ?
Bien évidemment, cette dernière phrase est à prendre 4ème degré : prenons la place que nous méritons. Reprenons pleine possession de nos corps dans la sphère publique. Balek les autres.
Le no bra, un combat féministe en manque d’inclusion ?
L’une des pratiques de plus en plus répandue à l’heure actuelle, et incarnant une forme de révolution féministe par la réappropriation de nos corps, est celle du no bra. J’y reviendrai plus tard, avec des témoignages de femmes ayant fait le cheminement vers l’abandon du soutien-gorge pour leur bien-être, mais dans cette partie dédiée aux poitrines volumineuses, j’aimerai m’attarder sur un point qui me turlupine : le no bra est-il accessible à toutes ?
Grâce aux femmes m’ayant fait confiance en partageant leur expérience, j’ai découvert quelque chose que je ne connaissais pas concernant les gros seins : tous les soucis physiques que cela peut causer. Alors oui, on parle régulièrement du poids de ces seins qui peut mener à à des douleurs au dos.
Quant au reste ? La désagréable transpiration sur les seins : “je transpire donc je préfère « aérer » et les soutenir.” (Chloé, 30 ans), le frottement contre le reste du corps : “j’aimerais ne rien porter mais je fais un 95E, avec une poitrine un peu tombante, c’est donc fort désagréable de ne rien avoir, car je les « sens », il y a frottement bref je déteste!” (Anonyme, 38 ans), les douleurs pour chaque mouvement : “j’ai mal dès que je cours, saute, descends les escaliers” (Zoé, 18 ans) et les problèmes de peau que les gros seins peuvent provoquer : “j’ai remarqué 2 grosses taches marrons se former sous mes seins : ma peau étouffait et ce n’était bon signe !” (Anonyme, 25 ans)
Le no bra peut donc avoir un impact négatif sur le corps des femmes aux poitrines volumineuses. Est-ce parce que la peau manque d’élasticité car la poitrine a été habituée au maintien d’un soutien-gorge ? Aucune étude ne démontre ça à l’heure actuelle. Alors contentons-nous simplement de faire ce qui est le mieux pour soi.
Je pense qu’une fois le cheminement psychologique pour se débarrasser du soutien-gorge a été fait, il est assez aisé pour une femme à la poitrine petite ou moyenne de ne pas porter de soutien-gorge. Toutefois, cela ne veut pas dire non plus qu’une femme à la petite poitrine n’aura pas de douleurs ou autres inconvénients. Mais les soucis physiques seront moindres. Et puis… on rentre davantage dans la “norme” acceptable par la société.
Une norme esthétique qui – on l’a vu plus haut – est régie par le regard de l’homme hétérosexuel. Qu’en est-il en réalité ? Quelle considération l’homme a-t-il sur le soutien-gorge ?
On s’en fout, non ?
Pour cet article, j’avais aussi interrogé mon entourage masculin à propos de leur regard sur le soutien-gorge. Je comptais analyser cela, m’en servir ici. Finalement, je pense qu’on ne devrait pas y accorder d’importance. Je partage simplement ce que mon amoureux a dit, parce que c’est ce qui – selon moi – devrait être normal :
“peu importe si tu portes un soutien-gorge ou pas. Cela devrait être avant tout un choix qui revient à la personne qui choisit d’en porter un ou non.”
Ainsi, comme l’a souligné Laetitia du compte @eleusismagara : le plus important c’est de faire ce qui est en accord avec soi-même. Que ce soit pour le maquillage, l’habillement, les sous-vêtements, etc… Peu importe ! Nous ne devrions pas être là pour convenir au regard de l’homme. Nous devrions convenir à notre propre regard à nous sur nous, et uniquement celui-là.
Celles qui se sont libérées de ces injonctions
«Certaines femmes ont le sentiment de se réapproprier leur corps. Elles découvrent en quelque sorte la forme réelle de leurs seins et les acceptent même s’ils diffèrent de la norme dans l’imaginaire collectif. Avec le retrait de cette couche de vêtement, elles retrouvent aussi de nouvelles sensations comme le mouvement des seins en fonction de celui du reste du corps», explique Lorraine, qui a mené une étude sur le soutien-gorge durant sa double licence ethnologie-arts vivants à l’université Nice Sophia Antipolis.
Je ne me voyais pas rédiger un article sur les injonctions à porter un soutien-gorge, sans aborder le sujet du no bra. On l’observe : le phénomène prend de l’ampleur. Comment se sentent les femmes qui ont fait le choix de ne plus porter de soutien-gorge ?
La plupart du temps, c’est quelque chose qui se fait étape par étape. On va porter un soutien-gorge de temps en temps, et au fil du temps… on l’oublie : “ça fait plus de 3 ou 4 que j’en porte plus et au début j’étais gênée par le regard justement des gens et après j’ai assumé pleinement mon choix.” (Lucille, 32 ans).
Un sentiment de liberté gagné
Le sentiment de liberté, de pleine possession de son corps, de sa sensualité est vraiment quelque chose qui est ressorti dans les témoignages : “je me sens hyper libre et beaucoup plus belle comme ça. (Emma, 20 ans). Une liberté qui s’exprime aussi parfois comme une forme de révolution : “et s’il y a des rageux à qui ça pose problème : c’est mon corps, c’est mes seins et je fais ce que je veux avec.” (Anonyme, 15 ans). Une révolution en réponse à une société patriarcale : “c’est mon geste quotidien qui dit fuck à notre société sexiste et patriarcale !” (Emma, 26 ans).
Enfin, c’est une libération de soi, de ce que l’on imposait jusqu’alors à ce corps qu’on a appris à aimer : “j’ai vraiment fait le choix d’aimer mon corps comme il est et ne pas m’imposer une forme ronde et soutenue.” (Elyssana, 22 ans).
L’environnement va aussi participer au fait que l’on laisse de côté le soutien-gorge, tout comme c’est la première chose que l’on enlève chez soi : quand on se sent en sécurité et en confiance. “Depuis que j’ai changé de vie, que je suis dans les Landes, je n’en porte plus du tout. A tel point que mon mec m’a dit l’autre jour quand j’en ai porté un “what’s up with the bra”.” (Julie, 24 ans).
Étonnement, un environnement de travail plutôt jeune et progressiste va également propulser le sentiment d’être à l’aise sans soutien-gorge : “je me le permets aussi car je travaille dans un environnement jeune & moderne (start up), je ne pense pas que j’aurai osé ne plus en mettre au travail si j’étais restée dans mon ancien travail de juriste en grosse entreprise.” (Lorraine, 28 ans)
Et puis, pour beaucoup, cette liberté c’est celle d’avoir le choix : “c’est un réel choix d’en porter ou non. (Aziliz, 26 ans). La liberté d’aimer son corps parce qu’il est là, malgré tout. Parce que les épreuves d’une vie vont le marquer, le modeler : “aujourd’hui je m’aime à nouveau parce que mon corps a aussi une histoire et des marques comme des rappels pour me protéger des relations toxique, et il reste unique alors je l’aime à nouveau avec ses imperfections ! (Anonyme, 25 ans)
La liberté, c’est la faculté de choisir ses contraintes.
Jean-Louis Barrault.
Nous avons désormais fait le tour de la question : faut-il se libérer du soutien-gorge ? De son histoire intimement liée au féminisme et aux revendications de liberté sociale, physique et morale aux injonctions qui nous poussent à ne pas s’en défaire, nous avons exploré tour à tour les éléments – à travers de multiples témoignages – qui nous permettent de répondre à cette question. Libérons-nous du soutien-gorge, si nous sommes prêtes à vivre de nouvelles contraintes. La contrainte des regards, la contrainte des remarques, la contrainte de l’inconfort parfois aussi. Si si nous sommes prêtes à les brûler pour de vrai, la société l’est-elle ? Visiblement, pas tellement. Cependant, nous pouvons nous armer peu à peu, pour montrer que nos corps, nos seins, nos choix, nous appartiennent. Soyons bienveillantes les unes envers les autres. Soyons indulgentes envers nous-même. Continuons à parler, débattre, échanger, dessiner, photographier, lire, écouter.
Un immense MERCI à celles et ceux qui auront lu cet article jusqu’au bout. Merci également aux illustratrices et à l’illustrateur ayant accepté que j’utilise leurs contenus, c’est aussi grâce à vous que l’on parle de nos seins.
Un merci infini aux personnes qui m’ont fait confiance dans la transmission de leur vécu. Cette attention m’a particulièrement ému. Vous avez également été nombreuses à me dire que vous cherchiez des alternatives aux soutien-gorges qui respectent la forme naturelle de vos seins… Eh bien sachez qu’un article suivant celui-ci vous proposera une sélection de marques alternatives et éthique !
Bon, avant de vraiment conclure cet article, je vais quand même vous raconter ma vie – parce que j’adore ça. J’ai beaucoup parlé des autres. Mais j’ai envie aussi de vous raconter mon rapport au soutien-gorge. Comme ça, je répondrais aussi à la question que vous vous posez probablement : est-ce que je suis passée au no bra ou pas ?
Mon expérience sur la question
Je me souviendrais toujours du moment où j’ai compris qu’il fallait que je porte des soutien-gorges. J’avais 12 ans, j’étais en 5ème. Mes seins faisaient timidement leur apparition, avec ce que l’on appelait chez moi “les piqures de moustique”. Mes frères se moquaient pas mal de ça.
Je ne portais pas de soutien-gorge parce que je n’en voyais pas l’intérêt. Et puis, je n’étais pas prête à porter des trucs de femme. Je me sentais encore terriblement enfant malgré ce corps qui évoluait. J’avais un buste court, de longues jambes et de très longs bras. Je faisais de la danse classique, alors le corps des autres, je le voyais aussi évoluer. Nous avions toutes une certaine pudeur les unes envers les autres. Mais nous parlions de ces choses là : des seins qui poussent, des règles, des poils, etc.
Alors que j’étais plutôt à l’aise dans mon corps en portant un peu ce que je voulais et en ignorant le regard des autres sur mon style… Je commençais aussi à sentir des regards sur ce qui deviendrait ma poitrine. Oui, parce qu’à 12 ans, j’avais vraiment que des petits tétons. Ce n’est que 2 ans plus tard qu’ils sont devenus des seins, quand mes règles et mes poils sous les bras sont arrivés.
Bref, j’attendais tranquillement dans la cour de récré qu’on nous somme d’aller en classe, lorsqu’une copine m’a regardé en me toisant : “tu devrais porter des soutien-gorge, quand même”. Moi, éberluée : “bah non… ça va ça se voit pas.”. Apparemment, ça se voyait et ça dérangeait les autres. Alors que moi… bah je m’en fichais.
C’est donc pour convenir au regard des autres que les premiers soutien-gorges se sont installés dans mon armoire. D’abord des brassières, parce que je ne voulais pas mentir sur la réalité de ma poitrine. Et puis l’année d’après, un soutien-gorge rembourré. A 13 ans, un soutien-gorge rembourré. Pourquoi ? Parce que j’avais honte : mes seins ne poussaient pas. Toutes mes copines avaient des seins. Moi, on me surnommait “planche à pain”.
En réfléchissant à mon rapport au soutien-gorge et à mes seins, j’ai pris conscience de la cruauté que certain.e.s ados peuvent exprimer. Ma meilleure amie avait même fait la remarque – devant tout le monde : “mais dis donc, t’avais pas des seins plus gros hier ?”. Parce que oui : je ne portais pas mon soutien-gorge rembourré tous les jours. Rouge de honte.
Deux ans plus tard, le regard que j’avais sur mes seins ne s’était pas amélioré, bien loin de là. Je portais alors des soutien-gorges à coques, sans rembourrage. Lorsque j’avais à peine 16 ans, j’ai rencontré un garçon qui n’a fait qu’amplifier le fait que je n’assumais pas mon corps, et encore moins mes seins. C’était une relation très toxique avec un pervers narcissique qui comparaît régulièrement la taille de mes seins à celle des autres filles. J’ai mis énormément de temps à me remettre de cette histoire. Pendant plusieurs mois après la rupture, ou peut être plusieurs années je ne sais plus, je n’arrivais même pas à regarder mes seins dans un miroir. J’évitais de les regarder. Je les détestais. Je les cachais : j’évitais les vêtements moulants, les décolletés. Et puis je ne pouvais pas vivre sans porter de soutien-gorge, même le weekend chez mes parents.
Plus tard, j’ai rencontré un autre garçon qui était d’une douceur et d’une bienveillance normales – mais que j’estimais exceptionnelles. Il m’acceptait pleinement comme j’étais, m’a permis de me sentir belle, avec ces petits seins. Mais voilà… J’étais en école de commerce. Dans cet environnement, on objectivait quotidiennement le corps des femmes. On valorisait aussi les grosses poitrines. Un jour, j’avais osé dire que je préférais mon corps à celui de Zaïa. Un mec m’a rétorqué “mais t’as pas de formes !”. Alors qu’en fait si, j’en ai des formes. Des formes qui sont les miennes.
Je suis passée du soutien-gorge à coque, au soutien-gorge triangle un peu soudainement. Parce que j’en avais marre de tricher. Au même moment, j’ai arrêté de porter du parfum. Je précise cela parce que c’est aussi à ce moment que j’ai commencé à prendre conscience de ma place dans la société, de mon impact sur les autres. C’était il y a 6 ans. Je m’en fichais que mes seins ne soient pas “beaux” pour les autres dans mes soutifs triangles. J’étais à l’aise dedans. Mais encore une fois, ma meilleure amie m’avait conseillé de choisir des modèles avec une armature “juste histoire que ça soit maintenu”. Alors soit, j’ai laissé de côté mes soutifs triangles pour des trucs pénibles.
Me voilà à vous parler ouvertement de mes seins, de mon rapport à eux. Le cheminement que j’ai fait – notamment depuis ma relation traumatisante avec un pervers narcissique – me rend vraiment fière. Si vous saviez comme j’en ai eu honte de cette poitrine, comme j’avais envie de la faire disparaître ou de la transformer.
Aujourd’hui, je l’aime. Je l’aime comme elle est. J’adore regarder mes seins, les toucher, les observer. J’aime les voir évoluer, les sentir bouger, ou frissonner. Aujourd’hui, j’aime mes seins à tel point que… j’arrive de plus en plus souvent à me défaire de ce qui était jusqu’alors une protection : le soutien-gorge.
Ce cheminement ne vient pas spécifiquement du confinement. J’observais quelques femmes autour de moi vivre parfaitement bien, le téton libéré, les seins en pagaille. Et je me suis dit : tiens, tiens… ça a quand même l’air cool tout ça. C’était en janvier, je crois. Entre temps, le confinement est passé par là. Le sentiment de “je vais crever” dès que je mettais un soutien-gorge aussi. Tout ce cocktail bien équilibré pour me donner envie de passer au no bra aussi souvent que j’en ressentirai l’envie.
Je ne suis pas une fervente adepte du no bra, parce que je ne le pratique pas au quotidien moi-même. Au travail par exemple, je ne me sens pas encore suffisamment à l’aise pour ignorer (ou accepter) les regards éventuels. Depuis le déconfinement, je n’ai pratiqué le no bra qu’une seule fois au travail et c’était tout de même fort agréable.
Cet été, j’ai passé la plupart du temps sans soutien-gorge et ça, mais alors ça… c’était génial ! Non seulement je me sentais hyper à l’aise dans mon corps, mais en plus je me sentais plus sensuelle quand j’avais décidé de l’être ou juste plus libre quand bon me semblait. Et puis, mes seins ont récemment changé. Ils sont devenus plus fermes, plus rebondis. Ils évoluent aussi selon la période du mois et ça me fascine à quel point les changements peuvent être importants !
Par refus de me contraindre au soutien-gorge, à la forme de poitrine qu’il m’impose et à l’inconfort ; j’ai cherché des alternatives éthiques au soutien-gorge classique. Depuis, quand j’en ressens le besoin, je porte une brassière ou un soutien-gorge triangle. Souvent, c’est le cas quand je suis en syndrôme pré-menstruel car mes seins sont vraiment douloureux et ont besoin d’un peu de maintien. D’autre fois, c’est parce que je porte un haut un peu transparent, ou un tee-shirt blanc ou encore un décolleté. Je fais comme je le sens, et je reste en accord avec ce qui est le mieux pour moi.
Faites comme bon vous semble.
Voilà. On arrive enfin à la conclusion de cet article : faites comme bon vous semble.
Que vous choisissiez de porter un soutien-gorge ou pas, peu importe votre choix tant qu’il correspond à votre envie, votre besoin. S’il vous sécurise, ne vous mettez pas dans l’inconfort de ne pas en avoir. S’il vous emprisonne, libérez-vous de lui ! Posez-vous toujours les 3 questions suivantes : est-ce que je le veux ? est-ce que je le peux ? est-ce que je suis sincère ? Et vous aurez votre réponse.
xoxo
Elena sans H
Merci. J’avais hâte de le lire et je l’ai dévoré. Je suis un peu rassurée de savoir qu’aucune étude (finalement) ne prouve que sans soutien-gorge la poitrine manque de maintien. (Voire le contraire).
Alors clairement, je n’ai pas une énorme poitrine, mais assez pour qu’elle me gêne (transpiration, sport, pour dormir, et le regard des hommes dessus). Et comme j’ai plus longtemps eu un 90B qu’un 90D, dans ma vie, je ne m’y suis pas encore faite tout court.
L’achat par mon mari, d’un soutien-gorge à la « bonne taille » , a participé à l’acceptation de cette nouvelle poitrine. Étrange un peu et pourtant vrai. Un truc sans rembourrage et sans push-up, puisque justement je la trouvais déjà trop présente.
Mais elle était d’un coup décorée de dentelle et c’était beau.
Néanmoins j’avoue que souvent quand je vais faire des courses, ou un repas chez les copains ou en soirée; je n’en mets pas.
En revanche au travail… C’est déjà compliqué niveau vestimentaire (j’ai du bannir des chemises ou robes préférées car impossible de me faire regarder ailleurs qu’à la poitrine, et je ne sais pas encore réagir à ça: après tout, c’est eux qui devraient avoir honte de se permettre un tel regard, mais moi je veux juste que ça s’arrête), alors si en plus on voit mes tétons… Je n’ai pas encore la force de m’en ficher.
Mais ça participe clairement (avec plein d’autres paramètres bien sûr) au fait que j’étais bien plus heureuse dans mon travail quand j’étais en télétravail.
Et puis le sport. La course, la marche rapide, le fitness, le ski et la rando (en gros) : clairement depuis que j’ai trouvé des brassières ayant un vrai maintien (Vive Gayaskin) ça m’a changé la vie. Plus d’irritation dûe à la transpiration, plus de douleurs dues aux mouvements répétés, bref là pour le coup, je ne suis vraiment pas prête de m’en passer.
Pour la forme… Je n’avais toujours été complexée que par son manque de volume : pour le coup les miens étaient clairement en pomme, alors ça tombait bien, c’était ce que la société en attendait. Pas assez gros, mais la forme était validée.
Alors quand je suis passée au 90D (forte prise de poids en peu d’années), ça a été le drame : une forme de seins que je ne connaissais pas (et dans ma famille non plus, tout le monde a des petits seins), qui tombent à cause du poids et qui tournent un peu sur les côtés: la cata à mes yeux.
Je me dis que c’est un peu comme ces rondeurs; auxquelles je n’étais pas préparée (famille de maigres….) et qu’il a fallu que j’accepte (au-delà des ennuis physiques j’entends). A force de voir des corps moins minces partout, ça m’a beaucoup beaucoup aidée.
Alors peut-être qu’à force qu’on montre des seins différents, je finirai par accepter la forme des miens.
Et pour conclure; clairement le no-bra n’est pas générationnel: ma mère (née en 58, petite poitrine, famille italienne traditionnelle) n’a jamais porté de soutien-gorge de sa vie, et ma belle-soeur (née en 91, petite poitrine aussi, famille plutôt cool, sa mère ne porte pas de soutien-gorge) trouve ça scandaleux et vulgaire de ne pas en porter.
J’espère qu’on arrivera bientôt dans des temps où seule la personne concernée aura une opinion sur le sujet !
Merci d’avoir pris le temps de lire et d’écrire ici. Cela me touche beaucoup !
Bravo déjà d’avoir conscience de tout cela.
Chaque chose en son temps, et puis si tu n’as pas envie de ne pas porter de soutif, personne te jettera la pierre.
Le plus important c’est évidemment de faire comme bon te semble. 🙂
Quant au regard des hommes sur tes seins… Tu as raison, c’est eux qui devraient avoir honte. C’est aussi pour cela que mes propos peuvent être à la limite de la misandrie parfois : j’ai envie de les faire réagir, de leur permettre de prendre conscience que leurs regards, leurs mots, leurs gestes sont déplacés. Bon, pas certaine que ça marche puisqu’il faut aussi être prêt à se remettre entièrement en question.
Pour le no bra qui serait générationnel, je pense aussi que c’est une question de milieu social (bon, c’est un autre sujet mais c’est un peu ce que j’ai observé). Qu’un milieu moins conservateur sera peut être plus enclin à accepter le no bra. Mais peut être que je me trompe dans le cas de ta famille ?
L’idée du gap générationnel est aussi intéressante.
Super article! Merci pour cet incroyable travail de synthèse! Ici je n’ai jamais réussi à trouver de soutif à ma taille de toute ma vie (j’ai 38ans) et j’ai la peau très sensible, et plein d’allergies. Après des années de gêne, douleurs, irritation de la peau au niveau des armatures (sous les seins, à la naissance des aisselles), douleur à cause des bretelles qui cisaillent les épaules et il y deux ans, des brûlures sous les seins, là ou frottait le bas des soutifs, j’ai dit m….! Marre de souffrir pour ça! Et j’ai découvert que je pouvais, soit ne rien porter, soit porter des brassières pour les périodes où j’ai besoin de ne pas sentir ce frottement que tu as décris dans ton article pour les poitrines plus généreuses. J’ai eu du mal à accepter l’image de ma nouvelle « silhouette », avec des seins plus bas, moins « centrés », mais maintenant je me suis habituée! Et le regard des autres, bah je m’en tape! J’espère que ton article aidera les personnes à accepter leurs seins, quelle qu’en soit la forme, et qu’elle choisiront de porter soutif, brassière, rien, ou tout ça à la fois, en fonction de leur propre envie, et pas à cause du regard de la société!
Hello Sofia,
Tu fais bien de préciser que souvent les soutien-gorges pour les poitrines volumineuses causent aussi des douleurs à cause des élastiques par exemple.
Je me demande aussi si cela n’est pas une question de taille : c’est difficile de savoir quelle est vraiment sa taille.
Typiquement, moi-même, d’une boutique à une autre on va me dire 90B ou 85C ou 90C. Mais depuis que je suis passée soit au no bra, soit aux brassières, je n’ai plus ce problème et je suis toujours ultra confortable !
Tu as raison : pas la peine de s’infliger des souffrances physiques comme ça. Bravo aussi pour cette très belle évolution vers l’amour du toi sans soutif. C’est une grande étape et tu peux te féliciter chaque pour cela (on ne le fait souvent pas assez je trouve).
J’espère également que mon article permettra à d’autres femmes de se libérer, d’avoir de la force, etc. C’est son objectif en tous cas !
Et un grand grand merci pour ton message. 🙂
Hello Elena,
Merci beaucoup pour cet article ! Quel chouette boulot de documentation, de réflexion et de rédaction, le tout dans la bienveillance ! Bravo également aux illustrateurs.trices.
J’ai la chance d’avoir toujours accepté ma poitrine. Elle est toute petite (ma taille de soutien-gorge est 80A) mais je la trouve jolie et, surtout, elle ne m’a jamais causé ni douleur ni inconfort physique. Elle n’a pas été l’objet de moqueries particulières (pas en ma présence en tout cas) et ne fait pas l’objet de beaucoup d’attention des autres au quotidien vu sa « discrétion ».
Pour ma part, comme beaucoup je crois, j’ai porté des soutien-gorges dès le début de l’adolescence parce que… eh bien parce que c’était la norme en fait. Puis progressivement, je me suis rendu compte que l’esthétique des soutien-gorge « rembourrés » ou « coqués », que l’on trouvait le plus communément dans les boutiques accessibles à toutes, ne me plaisait pas. Ces modèles écrasaient mes seins, déjà très peu volumineux, pour les remplacer par un volume de mousse/tissu artificiel. Cela m’a paru soudain assez bizarre et peu saillant. Je me suis donc tournée il y a plusieurs années vers des formes triangles qui me plaisaient plus, ou des formes moulées sans armatures. Mais ce qui est assez dingue, c’est que jusqu’à il y a quelques mois, je n’avais jamais envisagé la possibilité de ne pas porter du tout de soutien-gorge ! Alors même que je suis l’exemple typique de la femme qui n’en a aucun « besoin technique » (J’utilise ce termes entre guillemets car, comme tu l’indiques, aucune étude ne démontre le l’utilité ou le besoin de porter un soutien-gorge. Seules les sensations ou les envies d’une personne peuvent le justifier).
Alors pourquoi est-ce que je continue à en porter ? Je pense que c’est essentiellement à cause de la question du téton. On prête une attention énorme à ce pourtant tout petit bout de chair… Malgré la taille mini de mes seins, j’ai de gros tétons, très visibles sous un vêtement lorsqu’ils pointent. Et je n’assumerais aujourd’hui pas le regard des autres posés sur ces derniers. Cela changera peut-être !
Il y aussi le fait que je trouve que la lingerie peut être un bel accessoire. J’admire le travail de confection, la dentelle, les belles matières. Et cela me plaît de parfois porter un bel ensemble car je me trouve jolie ainsi parée. En tout cas, si je porte un soutien-gorge aujourd’hui – car ce n’est pas toujours le cas – je privilégie le confort, comme toi Elena. Vive les triangles et les brassières !
Enfin, je te rejoins complètement sur ta conclusion : que chacune fasse comme elle le peut, le veut, le sente. C’est ce type d’articles et de discours à la fois éclairant et déculpabilisant qui aideront probablement certain.es à passer outre les injonctions pour décider de ce qui est bon pour elles et leurs seins.
Anaïs
Merci Anaïs d’avoir pris le temps de m’écrire ici. 🙂
Merci également pour ton partage d’expérience.
Comme tu le précises, le téton reste un élément important dans la prise de décision vers le no bra ou non.
J’avais envie aussi qu’à travers cet article, les hommes se rendent compte du regard qu’ils ont et qu’ils imposent sur nous… Je ne sais pas si beaucoup ont pris le temps de le lire.
En tous cas, je suis ravie de savoir que tu fais ce qui est le mieux pour toi. 🙂
Salut Elena ! Encore un article hyper intéressant, et inclusif !
Une lecture instructive et qui ne laisse aucun sentiment de culpabilité, qu’on peut ressentir à la lecture d’autres blogs ou comptes insta… Je porte des soutifs et j’accepte que pour le moment je n’arrive et n’ai pas forcément envie de m’en passer.. Et cela me va !
Mon regard a beaucoup changé sur le no-bra : quand j’étais plus petite, cela me gênait quand je croisais des femmes sans soutif. Aujourd’hui, quasiment toutes mes amies n’en portent plus et je trouve ça très joli !
Zoé
Merci Zoé !
Mais oui… chaque chose en son temps et peut être que tu ne passeras pas au no bra et ce n’est pas grave.
Et clairement, mon regard aussi a changé parce que j’ai appris, parce que je me suis détachée de ce qu’on m’inculquait (de manière générale).
C’est ça aussi qui est intéressant et qui montre que l’on évolue !
Merci beaucoup pour cet article à la fin intéressant et éclairant.
Je suis totalement alignée avec vous sur l’importance de redonner à la femme le choix : un vrai choix qui lui soit propre et émancipé des dictats.
Merci Pauline !
C’est effectivement le message que j’essaye de faire passer à travers cet article.
Pourvu qu’il soit partagé au maximum!